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ANTHROPOLOGIE ANARCHISTE

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De l’anthropologie à l’archéologie

Au-delà des observations ethnographiques de sociétés encore vivantes, les anthropologues anarchistes ont souhaité étendre leurs hypothèses sur le temps long. Ainsi James Scott s’est emparé en 2017, avec Homo domesticus, de la question de l’apparition de l’agriculture sédentaire à l’occasion d’un cours pour les étudiants de l’université de Yale, cours qu’il a entrepris, comme il l’indique en introduction, en novice. Il fait part à son lectorat de l’enthousiasme qui l’a saisi en explorant ce champ de recherche nouveau pour lui et expose avec pédagogie les processus d’apparition de l’agriculture sédentaire à partir du IXe millénaire avant notre ère, du moins dans l’exemple qu’il a choisi, celui de la Mésopotamie. Lui-même éleveur en sus de ses fonctions universitaires, il décrit le processus de formation d’une nouvelle socialisation, la domustelle qu’il la nomme, qui réunit sous un même toit humains et animaux domestiques, mais aussi animaux dits commensaux (rats et leurs puces, cafards, etc.) et porteurs de maladies.

Aussi son originalité est-elle de montrer tous les inconvénients de la domestication, car cette domus va devenir un foyer de maladies : si celles-ci, en grande partie transmises par les animaux, existaient déjà, les concentrations humaines croissantes et sédentaires les favorisent singulièrement. En outre, l’agriculture, avec ses gestes répétitifs et pénibles, provoque de nouvelles pathologies – troubles musculo-squelettiques et autres – tandis que la nourriture issue des céréales, plus molle et sucrée, favorise caries et carences alimentaires, toutes conséquences lisibles sur les squelettes mis au jour. Ces phénomènes négatifs expliqueraient selon Scott les cinq millénaires qui ont été nécessaires, en Mésopotamie et au Proche-Orient en général, pour que les premières communautés agricoles finissent pas déboucher sur les premières villes et les premiers États.

Nul doute que des échecs, voire des retours en arrière, ont dû ponctuer ce long espace de temps. Mais une fois parvenu, l’État, prédateur par définition, toujours selon Scott, se développe ici comme ailleurs, fondé pour l’essentiel, comme on l’a vu, sur les céréales. D’où le titre de l’ouvrage Against the Grain – « contre le grain », expression qui signifie aussi « à contre-courant », un titre emprunté avec son assentiment au livre plus général du journaliste Richard Manning, critique parmi tant d’autres des conséquences à long terme de l’agriculture. L’État enferme aussi ses sujets à l’intérieur de murailles, et mène également des guerres pour que ses prisonniers réduits en esclavage viennent soulager en partie la pénibilité des travaux imposés aux dominés libres. C’est là que l’on retrouve les « barbares », chez lesquels on prélève ces esclaves, mais qui peuvent aussi en fournir, voir servir dans les armées étatiques. Ainsi se met en place la dialectique entre « civilisés » étatiques et « barbares » extérieurs, une problématique que développa au xive siècle le philosophe arabe Ibn Khaldūn (1332-1406), comme l’a rappelé l’historien Gabriel Martinez-Gros.

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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Médias

Zomia, Asie du Sud-Est - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Statuettes de la fertilité, culture de Halaf - crédits : Erich Lessing/ AKG-Images

Statuettes de la fertilité, culture de Halaf

ZAD, Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) - crédits : Loïc Venance/ AFP

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