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ANTHROPOLOGIE ANARCHISTE

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Anarchie et sciences humaines

Même s’ils ne sont pas unifiés autour d’un programme préétabli, les anarchismes constituent aussi, et d’abord, une mouvance politique. Des sociétés, certes éphémères, s’en sont réclamé, comme dans l’Ukraine des années 1920 avec le mouvement de Nestor Makhno, ou dans l’Espagne des années 1930. De même que les fondateurs de l’anarchisme, comme Proudhon, Kropotkine, Bakounine ou Élysée Reclus, ont été profondément engagés, au point de le payer de leur liberté, certains anthropologues anarchistes ont été très présents dans le combat politique. Ainsi, David Graeber, l’un des leaders du mouvement « Occupy Wall Street », s’est vu refuser le renouvellement de son contrat à l’université Yale (avant d’être recruté par la London School of Economics). Christian Sigrist, plus proche du marxisme, fut inquiété en Allemagne au cours des années 1970 pour ses opinions politiques. David Graeber s’est également rendu au Rojava, entité autonome du Kurdistan syrien qui vit sous la menace permanente des forces turques après avoir aidé les armées occidentales à vaincre le groupe terroriste Daesh. Le Rojava se veut en effet démocratique, laïc, pour l’égalité entre femmes et hommes et s’inspire en particulier du philosophe anarchiste (municipaliste) et écologiste états-unien Murray Bookchin (1921-2006).

ZAD, Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) - crédits : Loïc Venance/ AFP

ZAD, Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique)

L’anthropologie anarchiste, tout comme son versant archéologique, est assurément dans l’air du temps. Les réflexions critiques sur le pouvoir ont pâti d’un certain effacement, sans doute provisoire, de la pensée marxiste consécutif à la fin des régimes communistes, et les approches anarchistes en ont en partie pris le relais, d’autant qu’un certain nombre de contestations sociales et environnementales y font aujourd’hui souvent référence (ainsi, dans les « zones à défendre » ou ZAD). Une partie de ces approches intellectuelles peut sans doute être classée dans la mouvance postmoderne, avec leur intérêt plus marqué pour le rôle des idéologies, voire des décisions individuelles. Le livre Zomia de James C. Scott avait d’ailleurs été qualifié à sa sortie d’« histoire populiste postmoderne » par le sociologue marxiste anglais Tom Brass. Pierre Clastres avait bataillé dur dans un article (posthume), « Les marxistes et leur anthropologie », contre les anthropologues français de l’époque, comme Maurice Godelier, Emmanuel Terray et Claude Meillassoux. Les différences semblent cependant moins marquées aujourd’hui.

Dans tous les cas, les approches anarchistes dépassent maintenant le seul champ de l’anthropologie, puisqu’on les retrouve depuis peu, revendiquées aussi bien en philosophie, avec Catherine Malabou qui en décèle les traces chez plusieurs penseurs contemporains, qu’en psychanalyse, avec Nathalie Zaltzmann (1933-2009) qui, face à la théorie freudienne de la pulsion de mort, développe la possibilité d’une « pulsion anarchiste » positive.

— Jean-Paul DEMOULE

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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Médias

Zomia, Asie du Sud-Est - crédits : Encyclopædia Universalis France

Zomia, Asie du Sud-Est

Statuettes de la fertilité, culture de Halaf - crédits : Erich Lessing/ AKG-Images

Statuettes de la fertilité, culture de Halaf

ZAD, Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) - crédits : Loïc Venance/ AFP

ZAD, Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique)