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ANTHROPOLOGIE COGNITIVE

Concepts et approches

L’analyse structurale

Les premiers travaux en anthropologie cognitive avaient pour principal objectif de documenter la diversité culturelle des catégories linguistiques. L’approche dominante était alors l’analyse structurale, représentée notamment par Claude Lévi-Strauss et fondée sur la description de couples de traits dont l’opposition et les transformations au sein d’un système déterminé sont productrices de sens. Les modèles abstraits ainsi produits correspondaient à des systèmes au sein desquels l’ensemble des termes étaient définis et leurs combinaisons possibles répertoriées. L’anthropologie des systèmes de parenté, en décrivant l’ensemble des relations d’alliance et de consanguinité au sein d’une population donnée, est paradigmatique de ce type d’approche.

L’approche taxonomique

Avec une série de travaux pionniers en ethnoscience au début des années 1970, l’intérêt des anthropologues cognitivistes s’est peu à peu déplacé de l’identification des traits ou propriétés des éléments d’un domaine vers l’analyse des taxonomies vernaculaires. L’approche taxonomique va se développer à partir du constat ethnographique que les catégories propres à nombre de domaines (êtres vivants, plantes, animaux…) reposent non pas sur des listes de traits mais plutôt sur des catégories d’éléments rassemblés autour de configurations d’attributs et organisés selon des relations d’inclusion – des taxonomies. Un moineau, par exemple, est appréhendé comme une configuration d’attributs – il possède des plumes, un bec, deux pattes, des ailes, etc. – qui font de lui un exemplaire de la catégorie des oiseaux, qui elle-même est incluse dans la catégorie « animal », etc. Cette approche a permis de produire une série de résultats intéressants, comme par exemple le fait que les taxonomies vernaculaires possèdent un nombre limité de niveaux ou encore que l’existence de catégories conceptuelles telles que « plante » est attestée indépendamment de l’existence du terme « plante », que ce soit à travers l’usage de termes pour des parties de la plante ou de la classification des plantes en un domaine unique, différent, par exemple, de celui des champignons (Berlin, 1976).

Ces premiers travaux furent prolongés et développés dès la fin des années 1960 par ce qui allait devenir durant plus d’une décennie le standard méthodologique des recherches en anthropologie cognitive, à savoir la comparaison interculturelle des « termes basiques de couleurs » (Basic ColorTerms).

On doit à la collaboration entre l’anthropologue Brent Berlin et le linguiste Paul Kay plusieurs études d’envergure sur les couleurs, et en particulier sur les « termes basiques de couleur », c’est-à-dire les termes qui ne renvoient à aucun autre domaine de connaissance que la couleur, comme par exemple le rouge ou le noir (et non pas l’« or » ou le « turquoise » qui renvoient respectivement à la couleur du métal et de la pierre du même nom). Leur méthodologie quantitativiste reposait principalement sur l’utilisation d’un nuancier de couleurs (le système Munsell) qu’ils soumirent, dans leur plus vaste étude, à 25 locuteurs de 130 langues différentes dans 18 pays. Parmi les principaux résultats obtenus, les auteurs mirent en évidence l’existence d’un nombre restreint de « termes basiques de couleurs » variant entre 2 et 11. Ils montrèrent que l’apparition de ces termes basiques de couleurs se faisait dans un ordre quasiment identique d’une culture à l’autre, d’abord le noir et le blanc, puis le rouge, le vert ou le jaune, le bleu, le marron, le rose, l’orange, le gris et le violet. Enfin, les recherches de Berlin et Kay ont mis en évidence que la perception du point focal d’une couleur (par exemple, le plus rouge des rouges) est invariante et que les limites de la catégorie[...]

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