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ANTHROPOLOGIE DE L'ART

L’anthropologie de l’art désigne le domaine, au sein de l’anthropologie sociale et culturelle, qui se consacre principalement à l’étude des expressions plastiques et picturales. L’architecture, la danse, la musique, la littérature, le théâtre et le cinéma n’y sont abordés que marginalement, ces genres issus de techniques très différentes relevant pour la plupart de domaines disciplinaires distincts. Comme les autres champs d’études (politique, parenté, religion, économie), elle recouvre les travaux ethnologiques et les théories ou recherches comparatistes à visée universaliste.

Les spécialistes de l’anthropologie de l’art se sont longtemps focalisés sur la culture matérielle et les objets rituels des communautés non occidentales préindustrielles et sans État, en limitant leurs incursions dans la création occidentale à ses formes populaires et urbaines. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : ils peuvent s’intéresser aussi bien à l’art contemporain océanien ou amérindien qu’à des œuvres européennes classiques, modernes ou avant-gardistes dont l’étude était autrefois réservée aux historiens ou aux critiques. Au fil des décennies, l’anthropologie de l’art n’a cessé de s’ouvrir à de nouveaux champs d’investigation, tout en élaborant et en affinant ses propres catégories.

À l’instar des autres praticiens des sciences sociales, les anthropologues s’appuient notamment sur la notion commune d’objet d’art, qui permet de rattacher à cette catégorie aussi bien le porte-bouteilles de Marcel Duchamp, visuellement identique à son homologue industriel, qu’une toile d’amateur, une sculpture africaine ancienne, un panier amérindien, une peinture pariétale ou un jardin à la française. Chercher à dépasser cette notion commune pour dégager ce qui constituerait l’essence de l’art serait illusoire, puisque l’art ne forme pas une classe d’objets qui partageraient tous les mêmes propriétés intrinsèques permettant de les distinguer de tous les autres (Schaeffer, 1996). Et, de fait, les tentatives de définition de l’art par les anthropologues sur la base de propriétés sémantiques et esthétiques (Morphy, 1994) ou instrumentales (Gell, 1998) se sont révélées peu heuristiques.

Les prémices

À ses débuts, l’intérêt anthropologique pour l’art se focalisa sur les sociétés non occidentales par le biais des artefacts rapportés des grands voyages d’exploration du monde puis entrés dans les collections européennes (cabinets de curiosités, trésors princiers) qui devaient par la suite enrichir les fonds muséographiques. Ils constituèrent ainsi les principaux matériaux de réflexion des savants de la fin du xixe siècle qui travaillaient au sein de ces institutions et participèrent, pour certains, aux expéditions scientifiques en terres lointaines. En l’absence de connaissances ethnographiques par immersion prolongée sur le terrain, la vision des cultures se réduisait alors à leur matérialité, les objets procurant les principales sources d’information.

Sous l’influence des théories évolutionnistes, ces précurseurs de l’ethnologie les envisageaient comme les témoins concrets des sociétés dont ils permettaient de mesurer le stade d’évolution sur l’échelle supposée du progrès humain. Leur attention se porta préférentiellement sur l’étude de l’ornement que certains considéraient à l’origine de l’art dans l’histoire de l’humanité (Evolution in Art, Haddon, 1895). Peu à peu, toutefois, l’essor concurrent des théories diffusionnistes (Frobenius, Graebner et Ankermann) axées sur les emprunts culturels les conduisit à s’interroger sur les processus (contacts préhistoriques, migrations...) ayant conduit des sociétés géographiquement éloignées les unes des autres à élaborer des motifs graphiques ou plastiques proches.

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Écrit par

  • : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : directrice de recherche au CNRS, chercheuse en anthropologie sociale

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Masque à transformation kwakiutl - crédits : Richard A. Cooke/ Corbis/ Getty Images

Masque à transformation kwakiutl

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