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ANTHROPOLOGIE DE LA COMMUNICATION

L’anthropologie de la communication s’intéresse aux rapports entre le langage, la culture et la société. Elle emploie les méthodes de l’enquête ethnographique pour étudier les échanges langagiers et, de manière plus générale, les pratiques de communication. Elle envisage le langage comme une ressource culturelle dont les usages sont régis par des normes variables selon les sociétés et comme un outil servant à communiquer, mais aussi à agir sur autrui et sur le monde. Elle s’occupe de tout genre de discours, qu’il s’agisse de conversations ordinaires ou de discours cérémoniels. Ses objets d’étude peuvent être aussi bien des mythes, des contes, des incantations rituelles, des éloges funéraires ou des allocutions politiques que des échanges de potins, des salutations quotidiennes ou un marchandage entre chaland et commerçant.

Dell Hymes et le projet de l’anthropologie de la communication

L’anthropologie de la communication naît au cours des années 1960 au sein de l’anthropologie culturelle américaine. En 1962, l’anthropologue et linguiste Dell Hymes publie un manifeste pour une ethnographie de la parole (ethnography of speaking). Il y propose d’étudier l’articulation entre langue, culture et société dans le sillage des travaux de Franz Boas, Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf, mais en mettant plus résolument l’accent sur l’analyse de pratiques langagières saisies dans leur contexte. Deux ans plus tard, il dirige avec le sociolinguiste John Gumperz un numéro de la revue American Anthropologist consacré à l’ethnographie de la communication : ce nouveau nom de baptême met en avant le fait que la communication ne saurait se réduire à sa seule dimension verbale. Ce numéro, auquel contribuent des auteurs comme Erving Goffman et William Labov, joue un rôle fondateur dans la constitution d’un nouveau champ de recherches au carrefour des sciences sociales et des sciences du langage. Dix ans plus tard, deux étudiants de Hymes à l’université de Pennsylvanie, Richard Bauman et Joel Sherzer, publient un ouvrage collectif, Explorations in the Ethnography of Speaking, qui représente un jalon important et le premier aboutissement du programme lancé par leur maître. Depuis, ce domaine thématique de l’anthropologie a suscité un courant de recherches extrêmement fécond, en particulier aux États-Unis. En France, il n’a en revanche pas bénéficié d’une reconnaissance académique aussi grande, en dépit des travaux pionniers de Geneviève Calame-Griaule qui inaugure l’ethnolinguistique « à la française » dans les années 1960 (Ethnologie et langage. La parole chez les Dogon, 1965), et même si nombre d’anthropologues de langue française ont apporté des contributions originales à ce courant.

Le projet de l’anthropologie de la communication se définit par opposition à l’approche linguistique des faits de langage. De Ferdinand de Saussure à Noam Chomsky, la linguistique s’est employée à étudier la langue en elle-même et pour elle-même, en l’envisageant comme une structure formelle indépendamment de ses usages concrets. Par contraste, l’anthropologie de la communication recentre l’attention sur les usages afin de mieux comprendre le rôle du langage dans la vie sociale. Dans la continuité des travaux des philosophes John Austin et John Searle sur les « actes de langage », elle déplace le regard du langage vers la parole, de la compétence vers la performance, du code vers le contexte. Elle insiste en outre sur le fait que le langage ne se limite pas à un usage référentiel, mais qu’il consiste également en une forme d’action sociale en soi : il sert à accomplir des actions, ce que montrent bien des verbes performatifs tels que « saluer », « maudire », « baptiser » ou « condamner ». L’étude des usages sociaux du langage exige d’adopter une méthode d’investigation résolument ethnographique, alors que l’anthropologie linguistique s’était[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en anthropologie à l'Ecole normale supérieure de Paris

Classification

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE VISUELLE

    • Écrit par
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    Cet intérêt pour les aspects non verbaux de la communication sociale et culturelle a suscité de nombreux travaux aux États-Unis dans les années 1960. La proxémie d’Edward Hall (1966), attachée à l’étude de la distance interpersonnelle, la choréométrique d’Alan Lomax (1975), dédiée à l’analyse comparée...
  • COMMUNICATION

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    ...peu mystérieuse. Elle fonde cependant la démarche ethnographique, qui est tout particulièrement adaptée à une vision orchestrale de la communication. L'anthropologie de la communication cherche précisément à coupler la plate-forme théorique élaborée par les membres du collège invisible à la pratique...