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ANTHROPOLOGIE DES DIASPORAS

L’anthropologie des diasporas a connu un développement considérable depuis les années 1990. Cet essor a été favorisé par l’extension sémantique du terme « diaspora », qui bien au-delà des diasporas paradigmatiques juive et arménienne, s’est progressivement appliqué aux descendants de populations noires déportées au cours de la traite atlantique, mais aussi à presque toutes les populations migrantes – libanaises, italiennes, irlandaises, cap-verdiennes, mexicaines, polonaises, chinoises, ou encore hindoues, sikhes, musulmanes…

La notion de diaspora était jusqu’alors étroitement associée à celle d’exil. La première occurrence écrite du terme se trouverait dans la version grecque de la Bible dite des Septante, où elle évoquait la menace de punition divine par la dispersion du peuple juif. Par la suite, le terme « diaspora » a été tenu pour la traduction du terme hébreu galuth, qui décrit l’exil après la destruction du Temple de Jérusalem.

L’essor de l’anthropologie des diasporas

Dans la seconde moitié des années 1960, quelques anthropologues emploient le terme « diaspora » pour désigner les Chinois d’Asie du Sud-Est (Maurice Freedman), les Afro-descendants du Brésil (Roger Bastide) et les Hausa du Nigeria (Abner Cohen). De son côté, dès 1966, l’historien et africaniste Georges Shepperson requalifie de « diasporique » le champ d’études des cultures noires des Amériques. Mais la véritable impulsion provient de la mouvance des  cultural studies, notamment sous la plume de Stuart Hall et Paul Gilroy. La publication en 1993 de l’ouvrage de Gilroy, traduit en français en 2003 sous le titre L’Atlantique noir. Modernité et double conscience, en a marqué le point de départ. Cet auteur conceptualise la diaspora noire à l’échelle de l’Atlantique, en tant qu’espace de mobilité, de fluidité et d’hybridité, et contre la vision ethnique des États-nations, mais aussi des cultures noires nationalisées telles que la culture afro-américaine.La notion de diaspora s’émancipe ainsi de celle d’exil. Les mots « hybride », « créole » et « diasporique » deviennent des synonymes.

James Clifford, historien de l’anthropologie, a proposé que les anthropologues se consacrent aux diasporas. Il a vu dans celles-ci un antidote au projet fondateur de la discipline anthropologique qui consisterait à aller étudier l’autre en présupposant sa fixité permanente, alors même que les sujets d’enquête ne sont plus nécessairement des « indigènes », mais aussi des êtres en mouvement, des « voyageurs ». Les phénomènes diasporiques proposent des modèles d’identités culturelles déracinées qui ne sont pas ancrées dans une localité. Clifford milite en faveur d’une déconnexion de la notion de diaspora d’avec la téléologie du retour et la nostalgie des origines qui lui restent souvent associées. Étudier les diasporas permettrait de s’affranchir de l’essentialisme qui serait induit par l’idée de cultures localisées et nettement séparées. Ce serait aussi un moyen de prendre acte d’un monde de plus en plus intégré, peuplé de personnes toujours plus mobiles et hybrides.

Ainsi, la multiplication des études diasporiques en anthropologie résulte de l’extension du champ d’application du terme « diaspora » sous l’influence de ces auteurs. Il est désormais communément admis que le caractère traumatique de la migration initiale ne constitue plus un critère sine qua non pour qualifier une population dispersée de diaspora. Des typologies ont été proposées qui distinguent des diasporas traumatique, marchande, colonisatrice, de travail et culturelle, selon les motivations dominantes lors de la période de dispersion. Il demeure cependant difficile de les cataloguer car elles sont généralement alimentées par des vagues de migration successives, et le rapport à la localité des origines ainsi que l’activité qui les[...]

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