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ANTHROPOLOGIE DES ZOONOSES

Marché aux volailles à Tai Po, Hong Kong - crédits : Frédéric Keck

Marché aux volailles à Tai Po, Hong Kong

Depuis les années 2010, les anthropologues s’intéressent aux dispositifs visant à contrôler la transmission de maladies infectieuses des animaux aux humains, maladies regroupées sous le terme de « zoonoses ». Les crises sanitaires liées à la maladie dite « de la vache folle » (1996), aux grippes aviaires et porcines (1997, 2005, 2009), aux pneumopathies à coronavirus transmis par les civettes (2003) ou les dromadaires (2012) et la Covid-19 dont la transmission par le pangolin reste incertaine ont été spectaculaires en raison des mesures sanitaires déployées pour les combattre – abattages massifs d’animaux dans le premier cas, vaccination d’animaux et d’humains contre la grippe, confinement d’animaux d’élevage, dans le cas de la grippe aviaire, d’humains dans le cas de la pandémie de Covid-19… Mais les risques liés à la transmission de pathogènes par les rats (peste, leptospirose), les ovins (anthrax, brucellose) ou les chiens et renards (rage) font aussi l’objet d’une surveillance régulière. On estime en effet que 75 p. 100 des maladies infectieuses dites émergentes, c’est-à-dire d’identification récente, sont des zoonoses, et que les transformations des relations entre humains et animaux (déforestation, urbanisation des espaces ruraux au voisinage des grandes villes, trafic d’animaux sauvages, élevage industriel…) augmentent la probabilité de transmission des pathogènes à travers les barrières entre les espèces.

Une anthropologie au croisement des disciplines

La part humaine dans les transmissions de zoonoses relève notamment de l’anthropologie. Cette dernière peut collaborer avec la microbiologie et l’épidémiologie pour mieux connaître les facteurs de transmission des pathogènes zoonotiques. Mais elle peut aussi montrer comment les mesures sanitaires prises par les gouvernements pour contrôler les zoonoses transforment les relations entre humains et animaux. L’anthropologie des zoonoses se présente ainsi comme une anthropologie à la fois fondamentale et appliquée : elle peut conseiller les autorités sanitaires sur les mesures qui sont compréhensibles et acceptables dans une société donnée, mais elle peut aussi comparer les réactions des sociétés humaines à l’émergence d’un pathogène aux frontières entre les espèces. L’anthropologie des zoonoses permet de voir comment un phénomène biologique continu – l’évolution d’un pathogène qui le conduit à occuper une nouvelle niche écologique – suscite un ensemble d’émotions de peur ou d’attachement, en révélant les discontinuités sur lesquelles se construisent les sociétés humaines, c’est-à-dire les frontières matérielles et symboliques autour desquelles se tissent les formes de vie collectives.

L’anthropologie des zoonoses combine trois courants de recherche qui se sont développés jusque-là séparément. Tout d’abord, elle montre, à la suite de l’anthropologie médicale, les différents sens d’une maladie en fonction des populations qu’elle affecte, et collabore aussi avec une diversité de professions médicales en charge de la santé animale (vétérinaires, protecteurs de la faune sauvage, épidémiologistes…) pour explorer les transformations nécessaires de la notion de santé dans le cadre du programme « Un monde, une santé » qui défend une vision unificatrice de la santé à partir de l’interdépendance entre les individus et les espèces partageant un même environnement. Ce programme a été soutenu par des organisations internationales, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), et un certain nombre d’associations écologistes à partir de la diffusion mondiale de l’épizootie de grippe aviaire en 2005.

Ensuite, l’anthropologie des zoonoses étudie les reconfigurations[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche CNRS, membre du Laboratoire d'anthropologie sociale
  • : anthropologue, université de St Andrews, Écosse (Royaume-uni)

Classification

Médias

Marché aux volailles à Tai Po, Hong Kong - crédits : Frédéric Keck

Marché aux volailles à Tai Po, Hong Kong

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