- 1. Un corpus patrimonial en expansion
- 2. Un monopole historien remis en cause
- 3. Vers une anthropologie du patrimoine
- 4. Le patrimoine comme objet anthropologique. Échelles et incarnations de la patrimonialisation
- 5. Le patrimoine comme savoir. Légitimités, expertises et conflits
- 6. Le patrimoine comme image de soi. Culture, altérité et performance
- 7. Le patrimoine, une fabrique de l’humain
- 8. Bibliographie
ANTHROPOLOGIE DU PATRIMOINE
Le patrimoine, une fabrique de l’humain
Ne pas considérer le patrimoine comme un donné ou un acquis dans les sociétés qui s’en dotent conduit finalement à l’approcher comme une construction sociale du passé dans laquelle se réalise une représentation de la culture au présent et au futur. En ce sens, les patrimonialisations susceptibles de faire l’objet d’une approche critique (Hertz et Chappaz-Wirthner, 2012 ; Harrison 2013) qui vise à défaire les idées préconçues sur la moralité, le bien-fondé et l’évidence de l’existence du patrimoine, apparaissent comme des discours et des pratiques réflexives sur la place du groupe dans l’histoire, en matérialisant et signifiant un rapport au temps spécifique. L’anthropologie du patrimoine interroge ainsi deux thématiques englobantes.
D’une part, l’anthropologie permet de révéler la dimension sociale et politique du patrimoine, en déconstruisant le rôle transcendant ou moraliste dont le parent les usages nationalistes, intergouvernementaux, les ministères et l’UNESCO, ouvrant alors des terrains ethnographiques à partir desquels interroger le patrimoine. Il est nécessaire de démêler les jeux de pouvoir et de diplomatie internationale qui valorisent certains objets et en cachent d’autres. Il devient également possible de suivre la circulation des modèles de fabrication du patrimoine qui induisent certaines modalités de mise en scène et ferment le champ des possibles. L’approche anthropologique analyse en outre les parcours, les motivations et les activités des professionnels ou des acteurs qui agissent en dehors des institutions afin de mieux contextualiser leurs contraintes et leurs marges de manœuvre. Elle montre finalement comment se combinent les idéaux rassembleurs portés par les institutions nationales ou intergouvernementales du patrimoine et l’irréductible fabrication des différences culturelles qui anime chaque groupe humain.
D’autre part, l’anthropologie expose le patrimoine au risque du comparatisme. L’Inventaire général de la France, les listes de biens représentatifs de l’UNESCO, les parcs naturels, les banques de semences ou la valorisation touristique représentent une diversité de dispositifs issus du monde occidental, mais dont la comparaison interne reste à faire. Pour autant, d’autres formes de conservation du passé, comme les trésors vivants japonais, les rituels commémoratifs des monothéismes abrahamiques, les narrations mythologiques des origines ou les mémoires généalogiques des griots constituent également des modes de patrimonialisation qui se combinent aujourd’hui aux modalités occidentales. Mais, loin de séparer les Occidentaux et les « Autres » selon leur mode de relation au passé, la comparaison anthropologique contemporaine propose au contraire de saisir, dans leur diversité non hiérarchisée, les gestes qui permettent aux hommes, dans un contexte culturel spécifique et touché par la circulation globalisée des valeurs et des outils patrimoniaux, d’élire, parfois de manière conflictuelle, des objets qui orientent leur futur.
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Écrit par
- Cyril ISNART : chargé de recherche au CNRS
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Médias
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