- 1. Les origines d’un regard singulier sur la ville : de Berlin « Großstadt » à Chicago, ville mosaïque
- 2. Un passage fondateur par l’Afrique : des villes minières aux « Brazzavilles noires »
- 3. L’anthropologie urbaine en France : une reconnaissance tardive
- 4. Quelques grandes orientations thématiques de l’anthropologie urbaine
- 5. D’une anthropologie de l’urbain à une anthropologie des mondes contemporains et connectés
- 6. Bibliographie
ANTHROPOLOGIE URBAINE
Quelques grandes orientations thématiques de l’anthropologie urbaine
En travaillant sur la ville, les anthropologues ont de fait privilégié l’étude de groupements relativement homogènes, fondés sur la coexistence (immeuble, rue, quartier, îlot) ou sur une appartenance ou un genre de vie communs (groupes ethniques, diasporas, groupes professionnels, bandes et groupes de pairs, milieux organisés autour d’une activité ou d’une passion, etc.) et construisant souvent entre leurs membres des relations de proximité et d’interconnaissance.
Des études sur les milieux sociaux urbains ont ainsi porté sur la façon dont certains groupes sociaux (classe ouvrière [Schwartz, 1990], grande bourgeoisie [Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989, 2000], minorités ethniques [Raulin, 2009], etc.) fonctionnaient et se reproduisaient dans la durée en développant des pratiques d’entre-soi, de sociabilités, mais aussi de concentrations (quartiers ouvriers, ethniques, ghettos, gatedcommunities) ou de dispersion spatiales (diasporas, réseaux, territoires circulatoires [Tarrius, 1995]) et enfin des formes spécifiques d’économies (commerces et entreprises ethniques [Raulin, 2000]).
Les problématiques des cultures et des identités urbaines ont également été largement abordées à travers des travaux portant aussi bien sur un concept comme celui d’ethnicité (Poutignat et Streiff-Fenart, 1995), que sur les subcultures de la marginalité, de la délinquance, de la jeunesse populaire (Whyte, 1996 ; Lepoutre, 1997) ou encore sur les multiples expressions artistiques (hip-hop, break dance, rap, graff et tag) liées à la culture de rue (Métral, 2000). D’autres travaux ont par ailleurs porté sur ce qu'Anne Raulin (2001) désigne par théâtre urbain : fêtes identitaires et religieuses, défilés, carnavals (Agier, 2000), processions et festivals, ferias, manifestations politiques, sportives (Bromberger, 1995) ou commerciales comme les marchés (de La Pradèle, 1996) ou les foires, autant d’événements publics transfigurant les espaces urbains tout en leur imposant des temporalités particulières. Ces événements peuvent être, selon leur importance, l’expression d’une appartenance sociale ou culturelle spécifique, ou au contraire représenter l’ensemble d’une ville et de sa population.
Une partie de la recherche anthropologique sur la ville a enfin tourné autour de la question du rapport entre espaces et sociétés en privilégiant trois grandes orientations :
– mobilités et circulations (marchandes, diasporiques, migrantes) et la façon dont celles-ci contribuaient à construire, dans l’étirement des liens d’une ville ou d’un pays à l’autre, autant d’espaces réseaux ;
– inscriptions territoriales liées à l’habitat, au quartier résidentiel, à des cheminements quotidiens, à des espaces ressources que l’on s’approprie provisoirement ou de façon permanente ;
– espaces publics, espaces d’accessibilité généralisée et de passage, de côtoiement, de croisement, d’évitement, mais aussi d’exposition de soi (Goffman, 1973).
Le citadin est là surtout un passant et fait, dans l’expérience des rapports de trafic auxquels il participe, celle aussi de la différence et de l’hétérogénéité des situations et des publics (Joseph, 1984, 1991). Et c’est sans doute dans cette expérience de la différence vécue en dehors des territoires propres à chacun que se situent, pour partie, la culture de la ville et la part la plus spécifiquement urbaine de l’expérience de la ville (Hannerz, 1983). Individu mobile, jouant de ses appartenances sociales multiples, le citadin dispose ainsi de répertoires de rôles qu’il mobilise avec plus ou moins de compétences, dans différentes situations (famille, travail, loisirs, espaces publics et lieux de consommation, etc.) et selon les normes, les codes et les formes de civilité propres à chaque société.
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Écrit par
- Thierry BOISSIÈRE : anthropologue, maître de conférences à l'université de Lyon-II-Lumière
Classification
Médias
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