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ANTHROPOLOGIE

L'anthropologie sociale britannique

Il est nécessaire toutefois de revenir au débat entre culture et société si l'on veut comprendre la naissance de l'anthropologie sociale britannique. Celle-ci a subi l'influence de Durkheim, qui cherchait dans les faits ethnographiques autre chose que la simple description d'une société, et a d'emblée négligé les traits culturels pour s'intéresser aux relations, aux systèmes, aux fonctions. Ses fondateurs, B.  Malinowski et A. R.  Radcliffe-Brown, ont à cet égard reconnu leur dette vis-à-vis de Durkheim : ce qui importe, ce sont moins les traits particuliers d'une culture que la fonction qu'ils remplissent dans la société. La culture renvoyant aux coutumes ou aux productions, et la société aux relations sociales, E. E. Evans-Pritchard illustre ainsi la fameuse distinction : dans nos églises, dit-il, les fidèles enlèvent leur chapeau et gardent leurs chaussures, tandis que, dans les mosquées, les musulmans gardent leur chapeau et enlèvent leurs chaussures. Ces deux attitudes répondent à deux coutumes différentes, mais remplissent une même fonction sociale : témoigner du respect. Dans une société, où culture et structure sociale lui sont données ensemble, l'observateur doit donc, pour comparer, distinguer la manifestation culturelle de la relation sociale. Rejetant toute histoire spéculative, les anthropologues britanniques situeront alors l'analyse dans la synchronie : puisque l'on étudie des sociétés sans écriture, donc sans histoire connue, il est inutile de faire des conjectures sur leur passé à jamais perdu ; il est plus important de comprendre comment elles sont organisées dans le présent, comment elles fonctionnent de façon à se reproduire et à assurer leur devenir. On comparera la société à un organisme vivant, qui s'explique à partir des interrelations existant entre les organes et les fonctions. Chaque élément joue son rôle, dans cette totalité, par sa fonction vis-à-vis de celle-ci et par sa relation aux autres éléments. On s'attachera donc à rechercher cette logique interne qui est propre à assurer le maintien de la société. Il reste que le concept de fonction chez Malinowski diffère de celui de Radcliffe-Brown et s'inscrit à travers son œuvre d'océaniste dans une théorie des besoins, besoins qui, certains étant fondamentaux, d'autres secondaires, ont été élaborés par une culture particulière. Radcliffe-Brown radicalisa la notion de fonction dans un sens véritablement fonctionnaliste, au point de lui faire désigner le rôle joué par une institution en vue du maintien de l'équilibre social, ce dernier étant assuré par une structure sociale conçue comme une « disposition ordonnée de parties ou d'éléments composant un tout » (de cette théorie générale de la structure sociale et des systèmes, certains concepts annoncent déjà les principes structuralistes). Malinowski et Radcliffe-Brown, dont l'œuvre, plus restreinte que celle du premier, eut une portée immense (Structure and Function in Primitive Society, recueil d'articles écrits de 1924 à 1949), délimitèrent à eux deux les méthodes et le champ de l'anthropologie sociale britannique. Leurs continuateurs s'intéressèrent principalement à l'Afrique, à quelques exceptions près, tel R. Firth, qui étudia une île polynésienne pendant près de trente ans (We, the Tikopia, 1936). Le travail sur le terrain fut intensif, comme le préconisait Malinowski, et il donna lieu à de nombreuses et excellentes monographies. Le projet de Radcliffe-Brown était de comparer, afin d'établir des classifications, des systèmes de relations manifestés dans les diverses sociétés. Selon l'axe vertical, il a établi une logique des systèmes et sous-systèmes qui s'articule d'après les structures envisagées : la mise en relation mutuelle[...]

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