ANTIBIORÉSISTANCE
Faire converger les luttes contre l’antibiorésistance
L’antibiorésistance est actuellement responsable de plus de 700 000 décès dans le monde chaque année et pourrait atteindre près de 10 millions à l’horizon 2050 selon un comité d’experts internationaux. La dissémination de la résistance est devenue telle qu’il est essentiel de faire converger les différentes luttes contre elle, à la fois dans l’environnement, chez l’être humain et l’animal. Le concept apparu depuis 2004 sous l’appellation « One Health » (« Un monde, une santé », devenu « Une seule santé ») a émergé après la succession de plusieurs épidémies et crises sanitaires mettant en jeu ces trois acteurs. En effet, l’interaction entre l’humain, le monde animal et l’environnement est au cœur de l’émergence de nouvelles pathologies d’origine virale (Ebola, grippe aviaire, Covid-19…) ou de la réémergence d’épidémies bactériennes telles que la tuberculose, le choléra ou la brucellose. L’antibiorésistance fait clairement partie de ces menaces et doit désormais être précisément identifiée comme un risque émergent. Cette position est désormais soutenue par les instances européennes et mondiales comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’objectif du concept One Health est de coordonner l’action des microbiologistes, vétérinaires, écologues, cliniciens, pharmaciens, épidémiologistes, mais aussi sociologues et anthropologues pour améliorer la surveillance de l’antibiorésistance l’interaction et la communication entre les réseaux français, européens et mondiaux et mieux comprendre les liens entre les trois milieux (humain, animal et environnemental) pour agir simultanément et réduire les sources de dissémination. L’OMS et deux autres organisations internationales avec lesquelles elle collabore – l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) – ont d’ailleurs inclus le principe One Health dans leurs programmes afin de promouvoir des réponses multisectorielles face aux risques alimentaires, zoonotiques et de santé publique à l’interface homme-animal-environnement. Grâce à un important maillage national et régional, l’OMS a pu mettre en place dès 2018 de nombreux plans d’action concernant la prescription, l’utilisation, le recyclage ou encore le remboursement des antibiotiques. La promotion d’une meilleure hygiène, d’une réduction de la pollution et celle du bon usage des antibiotiques en clinique et dans l’agriculture (en particulier dans les piscicultures et les élevages intensifs…) sont des actions concrètes qui permettent de limiter et de retarder la diffusion de l’antibiorésistance à l’échelle mondiale. Ce réseau a également la charge de favoriser la recherche sur les antibiotiques auprès des industriels. Le manque de nouveaux antibiotiques pour continuer la lutte est surtout un problème d’ordre économique. En effet, ce type de recherche n’est plus attractif pour les industriels car devenu trop coûteux, avec des utilisations de plus en plus restreintes au cas par cas et donc moins rentables. De nouvelles stratégies antibactériennes commencent toutefois à voir le jour grâce à la promotion de la recherche sur l’antibiorésistance. Parmi les nouvelles solutions envisagées, le développement de thérapies antifacteurs de virulence (anticorps dirigés contre une protéine de la surface bactérienne ou d’intérêt physiopathologique), de peptides antimicrobiens (protéines antibactériennes produites naturellement par la peau, l’intestin ou par d’autres espèces bactériennes commensales), la phagothérapie ou encore la greffe de microbiote semblent prometteuses pour certaines indications ciblées. Ces stratégies permettraient de diminuer la consommation d’antibiotiques et donc la pression de sélection locale[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Aurélie CHABAUD : pharmacienne-biologiste spécialisée, laboratoire de bactériologie virologie hygiène, CHU de Limoges
- Sylvain MEYER : assistant hospitalo-universitaire, laboratoire de bactériologie virologie hygiène, CHU de Limoges
- Marie-Cécile PLOY : professeure des Universités, praticienne hospitalière, laboratoire de bactériologie virologie hygiène, CHU de Limoges
Classification
Médias
Autres références
-
ALIMENTATION (Aliments) - Risques alimentaires
- Écrit par Jean-Pierre RUASSE
- 4 757 mots
- 1 média
...thérapeutique anti-infectieuse d'une part, accélération de la croissance d'autre part. Mais cette utilisation entraîne trois ordres de conséquences néfastes : augmentation de la résistance des germes pathogènes, transformation en pathogènes de variétés jusque-là saprophytes, enfin création chez le consommateur... -
ANTIBIOTIQUES
- Écrit par Aurélie CHABAUD , Sylvain MEYER et Marie-Cécile PLOY
- 6 760 mots
- 6 médias
La résistance aux antibiotiques constitue une menace mondiale, accentuée par le mésusage de ces médicaments. Une utilisation raisonnée et raisonnable des antibiotiques est nécessaire pour limiter son apparition et sa diffusion. Pour cela, la prescription d’antibiotiques s’appuiera sur la règle de « médecine... -
ANTIBIOTIQUES - (repères chronologiques)
- Écrit par Paul MAZLIAK
- 460 mots
1903 Découverte du Trypan Röd (premier antibiotique anti-parasitaire) par Paul Ehrlich (1854-1915).
1909 Découverte du Salvarsan (606), puissant anti-syphilitique par Paul Ehrlich.
1921 Synthèse du Stovarsol (anti-microbien peu toxique dérivé de l'arsenic) par Ernest Fourneau (1872-1949)....
-
BACTÉRIES
- Écrit par Jean-Michel ALONSO , Jacques BEJOT et Patrick FORTERRE
- 11 052 mots
- 3 médias
...gluante très riche en eau, les biofilms forment des biomasses épaisses au sein desquelles les micro-organismes acquièrent des propriétés particulières telles qu'une résistance très élevée aux antibiotiques. Les biofilms formés par des bactéries pathogènes sont particulièrement difficiles à éliminer et représentent... - Afficher les 18 références