ANTICIPATIONS, économie
Le rôle des anticipations
Les anticipations jouent un rôle essentiel dans la réalisation des ajustements macroéconomiques et dans la détermination de l'efficacité de la politique économique, en particulier de la politique monétaire.
Anticipations et ajustements macroéconomiques
Les principales fonctions de comportement sont, d'une manière ou d'une autre, influencées par les anticipations. Ainsi la consommation des ménages dépend moins de leur revenu courant que du revenu « normal » anticipé pendant un certain horizon temporel (revenu « permanent »), voire du revenu moyen anticipé pendant la durée de vie (théorie du « cycle vital »). L'investissement des entreprises est lié aux débouchés escomptés, représentés par les variations anticipées de la demande (modèles d'accélérateur intégrant les anticipations). La demande d'encaisses monétaires des ménages et des entreprises est fonction des taux d'intérêt anticipés, des anticipations d’inflation (la prévision d'une accélération de l'inflation décourage la demande de monnaie), etc. On pourrait multiplier à l'infini les exemples soulignant la place centrale des anticipations dans la détermination des comportements.
Puisque les variables macroéconomiques résultent de la conjugaison des actions individuelles, elles sont également conditionnées par les prévisions. Donnons quelques exemples :
– Les salaires nominaux fixés dans le cadre des négociations collectives et des contrats de travail dépendent des anticipations de prix pendant la durée des contrats.
– Les taux d'intérêt incorporent une dimension psychologique importante parce qu'ils sont fortement dépendants des anticipations. Tout d'abord, les taux d'intérêt nominaux (ceux qui sont observés sur les marchés de capitaux) peuvent être décomposés comme la somme de taux d'intérêt « réels » et de l'inflation anticipée. Cette décomposition, suggérée par Irving Fisher (1930), part de l'idée que les créanciers sont dégagés d'illusion monétaire et qu'ils vont chercher à se protéger contre la perte de pouvoir d'achat de leur créance due à l'inflation en exigeant l'inclusion dans le taux d'intérêt nominal d'une prime de risque contre l'inflation. Le montant de la prime de risque contre l'inflation dépend des pouvoirs de négociation respectifs des créanciers et des débiteurs, et du degré d'administration des marchés de capitaux par les autorités monétaires : par un contrôle étroit des taux d'intérêt, les pouvoirs publics peuvent moduler la répercussion de l'inflation anticipée dans les taux nominaux. En second lieu, les anticipations jouent un rôle, variable d'une économie à l'autre, dans la fixation de la hiérarchie des taux d'intérêt.
D'après la théorie des anticipations élaborée par Fisher (1930), John Hicks (1939) et Friedrich Lutz (1940), l'écart entre les taux d'intérêt à long terme et les taux courts est fonction exclusivement des prévisions de taux courts pour les périodes à venir. Une situation dans laquelle les taux longs sont supérieurs aux taux à court terme est obtenue, dans le cadre de cette théorie, lorsque les agents s'attendent à une hausse des taux courts (un résultat symétrique s'applique en cas de prévision de baisse des taux d'intérêt à court terme). La théorie de la préférence pour la liquidité modifie la perspective proposée par la théorie des anticipations, sans rompre avec elle ; elle fait dépendre la hiérarchie des taux d'intérêt des prévisions de taux d'intérêt, mais aussi de l'aversion des prêteurs à l'égard des risques de pertes sur la valeur en capital des titres financiers.
– Dans le monde contemporain où prédominent les changes flottants – même s'il[...]
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Écrit par
- Christian de BOISSIEU : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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Médias
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