ANTIGÈNES
Les déterminants antigéniques (structure épitopique des Ag)
Le concept de déterminant (site) antigénique élaboré dès 1950 est actuellement un des paradigmes fondamentaux de l'immunologie. Les premiers travaux qui ont étayé ce concept ont été menés entre 1930 et 1965. Ils concernent l'étude de la réactivité des haptènes, des antigènes (protéines et polyosides) et de leurs fragments obtenus par clivage enzymatique ou chimique avec les anticorps homologues (K. Landsteiner, M. Heidelberger, E. Kabat, C. Lapresle) : de très nombreux travaux, à partir de 1970 jusqu'à présent, devaient permettre de préciser, sur des bases structurales très claires, les caractéristiques moléculaires des épitopes par diverses approches : fragments peptidiques de nombreux antigènes protéiques, peptides et vaccins de synthèse (M. Sela, M. H. V. Van Regenmortel, J. Alouf, L. Chedid, A. Lerner), microscopie électronique des complexes antigènes-anticorps (R. C. Valentine), étude cristallographique par diffraction aux rayons X de ces complexes (R. Poljak) et des complexes peptides-molécules du CMH ou complexe majeur d'histocompatibilité (P. J. Bjorkman).
L' ensemble de ces travaux montrait que toute molécule d'antigène peut être considérée, en ce qui concerne sa réactivité avec les molécules de reconnaissance spécifiques des antigènes, comme une mosaïque de motifs moléculaires de taille limitée : les déterminants (sites) antigéniques que Niels Jerne a proposé, en 1960, d'appeler épitopes. Ceux-ci peuvent être définis comme les entités structurales d'un antigène directement impliquées dans la liaison spécifique de celui-ci avec les sites anticorps (paratopes) des Ig ou avec les régions variables des chaînes constitutives des récepteurs des lymphocytes T stéréospécifiquement complémentaires de ces entités. Ainsi, l'analyse par diffraction aux rayons X de la zone de contact entre le paratope d'un anticorps monoclonal antilysozyme d'œuf de poule et le lysozyme dans le complexe cristallisé a montré que l'épitope majeur impliqué dans l'interaction était constitué par seize acides aminés localisés dans deux segments peptidiques très éloignés l'un de l'autre dans la chaîne polypeptidique constitués par les résidus aminoacides 18 à 27 et 117 à 128, mais très proches dans la configuration native de l'antigène en raison du repliement de la chaîne dans la structure tridimensionnelle de la molécule protéique. L'épitope occupe un espace dont les dimensions sont 1,3 × 0,6 × 1,5 nanomètres. Pour les paratopes, qui ont fait jusqu'à présent l'objet de mesures précises pour différents systèmes épitopes-paratopes cristallisés étudiés par diffraction aux rayons X, ils se présentent comme des surfaces planes de 7 à 8 nm2, comprenant de quinze à dix-sept acides aminés des six régions hypervariables (chaînes légères et lourdes) de la molécule d'Ig. Ces dimensions sont du même ordre de grandeur que celles des épitopes correspondants. Les épitopes reconnus par les Ig de surface des lymphocytes B et par les anticorps solubles diffèrent nettement de ceux reconnus par les récepteurs T, ce qui a mené à distinguer, à partir des années 1980, deux catégories d'épitopes : les épitopes B et les épitopes T, en fonction des molécules de reconnaissance auxquelles ils se lient. De nombreuses études expérimentales et théoriques ont établi que les épitopes des antigènes protéiques reconnus par les anticorps sont localisés à la surface de la protéine. Les épitopes majeurs, appelés immunodominants (vis-à-vis desquels la réponse immunitaire est plus fréquente), sont généralement situés dans des régions de flexibilité élevée de la chaîne polypeptidique (permettant ainsi un meilleur ajustement topologique avec le paratope) et d'hydrophilicité[...]
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Écrit par
- Joseph ALOUF : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
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