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ANTIMATIÈRE

L'antimatière exerce une certaine fascination : le grand public, les lecteurs de revues scientifiques et même les spécialistes ont un peu le vertige à l'énoncé de ses propriétés. En effet, si 1 gramme d'antimatière était mis en contact avec 1 gramme de matière ordinaire, il se produirait une annihilation brutale libérant autant d'énergie que la fission de quelques kilogrammes de plutonium ou la combustion de quelques milliers de tonnes de charbon. Néanmoins, seul le contact entre matière et antimatière est explosif. L'antimatière, par elle-même, est stable. Elle a d'ailleurs des propriétés tout à fait semblables à celles de la matière. L'antihydrogène, par exemple, est formé d'un antiélectron chargé positivement, appelé « positon », tournant autour d'un antiproton. Il en va de même pour les autres antiatomes et même pour les antimolécules les plus complexes, qui obéissent certainement aux mêmes lois chimiques que celles qui régissent la matière. À ce stade de l'exposé, l'imagination prend facilement le relais. Dans un scénario de science-fiction où un antimonde existerait quelque part dans l'Univers, les communications électromagnétiques seraient envisageables entre cet antimonde et le monde « ordinaire », mais tout contact physique, tout échange matériel serait impossible, car il entraînerait une immense explosion.

L'existence d' antiparticules a d'abord été prédite par des travaux théoriques. Puis des antiparticules ont été produites dans les grands accélérateurs et, de nos jours, des faisceaux de positons ou d'antiprotons sont couramment utilisés pour des expériences de physique fondamentale. Des antiparticules sont parfois détectées dans les rayons cosmiques, mais on n'a pas la preuve que des quantités importantes d'antimatière (étoiles, galaxies, etc.) existent dans l'Univers. Nous allons revenir sur ces trois aspects de l'antimatière : existence d'une antiparticule associée à chaque particule ; production et utilisation d'infimes quantités d'antimatière en laboratoire ; enfin, rôle de l'antimatière en cosmologie et en astrophysique.

Théorie des antiparticules

À l'époque des premières spéculations sur les antiparticules, la matière pouvait être décomposée en trois constituants primordiaux : l' électron, le proton et le neutron, dont on soupçonnait l'existence et que l'on s'apprêtait à découvrir. Toutes les expériences d'électricité confirment une parfaite symétrie entre les charges positives et les charges négatives. Par exemple, deux charges positives se repoussent en obéissant exactement à la même loi que les deux charges négatives correspondantes. La nature semble pourtant rompre brutalement cette symétrie : les charges négatives sont associées aux particules les plus légères, les électrons, qui peuvent facilement passer d'un atome à l'autre dans une molécule ou d'un site à l'autre dans un cristal, tandis que les charges positives sont liées aux noyaux, c'est-à-dire aux composants les plus lourds et les moins mobiles. Bien entendu, c'est par pure convention que les électrons sont dits chargés négativement, et les noyaux positivement ; on peut dire plus généralement que les charges opposées jouent des rôles différents dans la matière qui nous entoure. La théorie de l'électron, élaborée par Dirac, rétablit une symétrie entre les charges positives et les charges négatives, en introduisant le concept d'antiparticule.

L'histoire prétend que l'existence du positon a été prédite par Paul Dirac en 1929 et qu'il s'agit là d'un des plus grands succès de la physique théorique. En réalité, un long cheminement, mêlant les spéculations hardies et l'analyse critique rigoureuse, fut nécessaire pour élaborer[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
  • : professeur à l'université de Grenoble-I-Joseph-Fourier, responsable du groupe de physique théorique de Grenoble

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Électron : spectre d'énergie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Électron : spectre d'énergie

Interprétation de Feynman - crédits : Encyclopædia Universalis France

Interprétation de Feynman

Emilio Segrè - crédits : Keystone/ Getty Images

Emilio Segrè

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    Depuis la découverte, en 1932, par Carl David Anderson, Prix Nobel de physique 1936, des antiélectrons, ou positons, dans les rayons cosmiques, la théorie de l'antimatière due au physicien britannique Paul Dirac (Prix Nobel de physique en 1933) était bien établie. Créer des antiparticules...

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