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ANTIMATIÈRE

Antimatière en laboratoire

Les particules de l'espace interplanétaire arrivant dans l'atmosphère y subissent des collisions et modifient ainsi l'énergie des particules qu'elles rencontrent. Si leur vitesse est suffisante, elles peuvent créer des paires électron- positon au cours de ces chocs, en libérant leur énergie cinétique. Ce sont les positons créés par ce processus qui ont été observés par Anderson.

Emilio Segrè - crédits : Keystone/ Getty Images

Emilio Segrè

C'est seulement en 1955 que Owen Chamberlain, Emilio Segrè et leurs collaborateurs ont pu, grâce au grand accélérateur de Berkeley, en Californie, le Bevatron, mettre en évidence l'antiproton. En effet, pour produire une antiparticule dans un milieu uniquement constitué de matière, il faut pouvoir réaliser la conversion d'une forme d'énergie pour fabriquer une paire particule-antiparticule. L'énergie nécessaire pour créer une paire proton-antiproton doit être, au moins, supérieure à deux fois l'énergie au repos (E) du proton. E est donnée par la formule d'Einstein E = mc2, m étant la masse du proton, c la vitesse de la lumière dans le vide. On a m = 1,6 × 10—27 kilogramme, d'où E = 1,5 × 10—10 joule, soit approximativement 0,94 gigaélectronvolt (le gigaélectronvolt, ou GeV, vaut un milliard d'électronvolts). Pour pouvoir mettre en évidence un antiproton, il fallait donc disposer d'une machine assez puissante pour accélérer des particules à des énergies supérieures au gigaélectronvolt. Dans l'expérience de Berkeley, une mince feuille de cuivre était bombardée par un jet de protons de 6,2 GeV. Des paires proton-antiproton étaient produites. On a mesuré la masse et la charge de l'antiproton. Comme la théorie le prédit, sa masse est la même que celle du proton, et sa charge est opposée.

L'étude de l'antimatière en laboratoire a beaucoup progressé depuis les expériences d'Anderson et de Segrè mettant en évidence les premières antiparticules. Pour presque toutes les particules élémentaires connues actuellement, on a pu observer l'antiparticule correspondante. Comme au proton est associé l'antiproton, au neutron correspond l'antineutron, au neutrino l'antineutrino, et la conversion de l'énergie cinétique d'une particule en une paire particule-antiparticule est fréquemment observée. Certaines nouvelles particules, comme celles contenant le quark c, dit « charmé », ont été découvertes directement en association avec leur antiparticule. On a même réussi à fabriquer quelques antinoyaux tels l'antideutérium (1 antiproton et 1 antineutron) et l'antihélium-3 (2 antiprotons et 1 antineutron).

Un autre succès est que l'antimatière est produite en quantité suffisante pour pouvoir alimenter des faisceaux d'accélérateurs de particules. Dans les collisions de protons très rapides contre des noyaux, on produit, entre autres particules, des antiprotons, qui sont séparés par un champ magnétique des particules neutres ou positives produites. On obtient ainsi des faisceaux dits secondaires utilisés dans des expériences de diffusion d'antiprotons sur des protons ou sur des noyaux. Malheureusement, l'intensité et la pureté des faisceaux secondaires d'antiprotons laissent beaucoup à désirer, ce qui rend les mesures physiques imprécises. En particulier, les antiprotons sont noyés dans une quantité très abondante de pions négatifs. De plus, l'intensité des antiprotons décroît rapidement avec leur vitesse, ce qui limite l'utilisation des faisceaux dans le domaine des basses énergies.

Pour pallier ces inconvénients, le C.E.R.N., dont le siège est à Genève, et qui regroupe la plupart des pays d'Europe de l'Ouest (et, plus récemment, quelques pays de l'Est), a décidé, à la fin des années 1970, un vaste programme de production, de stockage et d'utilisation[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
  • : professeur à l'université de Grenoble-I-Joseph-Fourier, responsable du groupe de physique théorique de Grenoble

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Médias

Électron : spectre d'énergie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Électron : spectre d'énergie

Interprétation de Feynman - crédits : Encyclopædia Universalis France

Interprétation de Feynman

Emilio Segrè - crédits : Keystone/ Getty Images

Emilio Segrè

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