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ANTINOMIE, rhétorique

Le poète crée « un écart par rapport à la norme » (Jean Cohen) en utilisant des figures antinomiques rapprochant des idées plus ou moins contrastées, portées par des antonymes plus ou moins polaires : il heurte ou effleure le sens commun de la logique et produit ainsi un effet poétique. Cependant, ce genre de mise en relation, comme le remarque Kibedi-Varga dans Les Constantes du poème, n'est pas toujours possible : « fromage » n'a pas de « terme antithétique » et lorsque « l'élément commun » fait défaut, on obtient plutôt un effet comique : « Les prix montent, les voyageurs descendent. »

Selon Fontanier, l'antithèse est l'« une des plus brillantes » parmi les figures, elle est aussi le plus facilement décodable parmi les procédés antinomiques, car l'opposition ou la contradiction est déclarée par le prédicat. Aussi Cicéron ne se contente-t-il pas de rapprocher des antonymes, il constitue sa période d'isocolons rehaussés par l'homéotéleute : « Vicit pudorem libido, timorem audacia, rationem amentia » (« La passion a triomphé de l'honneur, l'audace de la crainte, l'égarement de la raison », Pro Cluentio, vi, 15).

L'énantiose réunit des concepts tels que le Bien et le Mal en une « opposition essentielle » (Dupriez).

La contradiction apparente du paradoxe demande un effort intellectuel plus soutenu que la vraie contradiction, appelée aussi antilogie, car la fausseté de celle-ci est visible, tandis que la vérité de celle-là est cachée. L'antilogie est une forme de non-sens : « Ce vieillard se bouchait les oreilles pour ne pas entendre un clochard qui se refusait à dire [...] » (Queneau).

La contradiction irréductible de l'« obscure clarté » est pleinement assumée par le poète qui affirme ainsi sa toute-puissance. Il heurte si violemment la logique des grammairiens que ceux-ci, par un mouvement d'autodéfense, donnent à la figure le nom grec d'oxymoron (du grec oxus, pointu, piquant, et môros, sot, fou). L'oxymoron signifie, pour Léon Cellier, « la présence d'un élément mystérieux [...] le sacré » (D'une rhétorique profonde : Baudelaire et l'oxymoron).

Le bœuf danse et l'âne joue de la lyre dans un monde où rien n'est impossible : le procédé de l'adynata (ou adunata) réalise « l'association des choses incompatibles » (Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin). Le scandale est le même, qu'il s'agisse des êtres vivants, des mots, des propositions ou encore des « contre-vérités » réunies par Villon dans une ballade. Ajoutons que la poésie amoureuse aux accents mystiques est le lieu d'élection du paradoxe et de l'oxymoron, que l'antithèse est affectionnée par les classiques et que l'adynata est pratiquée par Virgile au plus haut niveau. C'est peut-être dans Délie de Maurice Scève que l'on rencontre en plus grand nombre les figures antinomiques qui, par surcroît, se transforment les unes dans les autres.

— Véronique KLAUBER

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