ANTIQUAIRE
Le terme d'antiquaire désigne aujourd'hui un marchand d'objets d'art, d'ameublement et de décoration anciens. Mais le nom avait autrefois un sens voisin de celui que nous attribuons maintenant à archéologue. L'Encyclopédie de Diderot proposait la définition suivante : « L'antiquaire est une personne qui s'occupe de la recherche et de l'étude des monuments de l'Antiquité, comme les anciennes médailles, les livres, les statues, les sculptures, les inscriptions, en un mot, ce qui peut lui donner des lumières à ce sujet. »
Le mot est employé dès le xvie siècle ; il est d'usage courant au xviie et au xviiie siècle. C'est dès la Renaissance italienne que se multiplient en effet les antiquaires s'intéressant à l'archéologie classique. Dans les ateliers d'artistes et dans les galeries princières, des collections d'antiquités sont constituées. Elles seront à l'origine de certains musées d'Italie, tels le Vatican ou les Offices. À la même époque, les œuvres antiques imprègnent la création artistique (chez Mantegna par exemple).
En France, au xviie siècle, les antiquaires ont jeté les bases d'une véritable méthode en se passionnant pour le document et l'objet. Tels le Provençal Nicolas Claude Peiresc (1580-1637), dont l'énorme correspondance constitue un document exceptionnel sur l'état de l'érudition de son temps, ou le Lyonnais Jacques Spon (1647-1685), médecin de profession, mais antiquaire par goût et qui publia une étude sur les antiquités de Lyon, ainsi que le récit d'un voyage en Italie, en Dalmatie, en Grèce et au Levant.
Sous Louis XIII et Louis XIV, Paris possédait de nombreux « cabinets » illustres, qui recouvraient à peu près toutes les branches de la « curiosité ». Le Livre commode des adresses de Paris pour 1692, d'Abraham du Pradel, mentionne dans la capitale non moins de cent cinquante « fameux curieux des ouvrages magnifiques ». Edmond Bonnafé, dans son Dictionnaire des amateurs français du XVIIIe siècle, a pu dénombrer en France jusqu'à neuf cents cabinets (répartis, il est vrai, sur le siècle entier). Amateur ou collectionneur, le « curieux », montrait quelquefois un merveilleux mélange d'érudition et de naïveté.
C'est peut-être au xviiie siècle qu'apparaissent les antiquaires les plus célèbres. Ils ont laissé des œuvres qui demeurent des références fondamentales. La compréhension de l'architecture antique fait alors des progrès déterminants. Bernard de Montfaucon (1655-1741) publia L'Antiquité expliquée et représentée en figures (1719), œuvre exceptionnelle par les dimensions (15 vol.), par l'ampleur de la science, et aussi parce que l'Antiquité grecque et l'Antiquité romaine y sont présentées ensemble pour la première fois dans un cadre commun. Le comte de Caylus (1692-1765) voyagea en Italie, en Asie Mineure, en Hollande et en Angleterre. De retour à Paris, il publia à partir de 1752 son Recueil d'antiquités. L'ardeur de tout voir, tout avoir et tout connaître enfiévrait Caylus. Il s'intéresse plus spécialement aux menus objets et à la technique qu'aux grandes œuvres d'art. Son attitude est typique de l'antiquaire de cette époque. Possédant une remarquable érudition, loin de s'enfermer, à l'exemple de son ami Mariette, dans un cabinet sévèrement interdit aux profanes et même parfois aux adeptes, il estimait, comme ses adversaires encyclopédistes, que son savoir devait profiter à tous. Johann Joachim Winckelmann est le premier à avoir étudié avec une méthode scientifique les monuments de l'Antiquité ; il décrivit les fouilles d'Herculanum et de Pompéi dans plusieurs mémoires et lettres (1762-1764). En 1755, il publia son ouvrage Gedanken über die Nachahmung der griechischen[...]
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Écrit par
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