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ANTIQUITÉ Le christianisme primitif

La question des rapports entre le christianisme primitif et l'Antiquité classique appelle un double travail de réflexion : on rencontre d'abord un problème préjudiciel et théorique, qui est de décider dans quel sens l'on peut envisager l'hypothèse d'une influence exercée sur les croyances et les pratiques chrétiennes par le paganisme contemporain ; une fois résolue cette difficulté initiale, il reste à examiner dans quels domaines principaux s'est exercée l'influence ainsi comprise.

Le problème

Les excès de l'histoire comparée

Longtemps, on a voulu établir un simple rapport de dépendance à sens unique entre certaines formes religieuses grecques ou romaines et le christianisme naissant, représenté tout particulièrement par saint Paul ; telle fut la tendance d'historiens du début du siècle, comme Reitzenstein, Bousset, Angus, Loisy. Mais déjà Clemen, en 1913, élevait des doutes sur la validité de cette appréciation, doutes repris et amplifiés plus tard par Rahner et Wifstrand.

D'abord il faut se garder de confondre, aussi bien dans la religion grecque que dans le christianisme, un stade primitif et un stade évolué : l'humble époque éleusinienne ou cabirienne n'est pas le riche syncrétisme orientalisé du iiie siècle de notre ère, pas plus que les simples rites baptismaux des Actes des Apôtres ne sont le fastueux cérémonial du Pseudo-Denys, même si la structure de base demeure de part et d'autre identique. L'histoire comparée des religions n'a pas toujours évité l'écueil qui consiste à confronter l'état pleinement différencié de la religion grecque avec l'état inchoatif et sommaire du christianisme ; il y a là deux stades de développement si disproportionnés qu'ils ne souffrent pas la comparaison. De ce comparatisme facile et souvent intempestif, Harnack a fait spirituellement le procès : « Cette mythologie comparative, qui unit tout avec tout par un lien causal, détruit des haies solides, passe en jouant sur les abîmes qui séparent, et tisse des combinaisons à l'aide de ressemblances superficielles, il faut la vaincre. De cette façon, on peut en un tournemain faire du Christ le dieu du Soleil, de Marie la Grande Mère, des douze apôtres les douze mois, se rappeler à l'occasion de l'histoire de la naissance du Christ toutes les histoires de naissances de dieux, comprendre avec la colombe du baptême toutes les colombes mythologiques, adjoindre à l'âne de l'entrée à Jérusalem tous les ânes célèbres, et ainsi, avec la baguette magique de l'„histoire des religions“, mettre heureusement de côté tout caractère spontané. »

D'autre part, la dépendance à laquelle conclut trop rapidement cette école s'exerce toujours dans le même sens, du domaine grec au domaine chrétien. Or l'évolution de la religion hellénique est loin d'être achevée au moment de la naissance du christianisme ; le ive siècle de notre ère, par exemple, apporte encore beaucoup de précieux témoignages sur le développement des mystères païens. Dans ces conditions, il n'est pas interdit d'envisager aussi la possibilité d'une dépendance inverse, selon laquelle certaines structures religieuses grecques, essoufflées au terme d'une longue existence, auraient pu subir l'influence du christianisme. Il est bien connu que l'empereur Julien tenta de copier, au profit des païens, l'organisation hiérarchique et le service social de l'Église ; dans sa biographie romancée d'Apollonius de Tyane, le païen Philostrate transpose des épisodes de la vie de Jésus ; le philosophe néo-pythagoricien Numénius dit de Platon qu'il fut un « Moïse atticisant » ; le néo-platonicien Amélius, disciple de Plotin, cite avec considération le IVe Évangile sur la doctrine du Logos ; Hiéroclès,[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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