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ANTIQUITÉ Le christianisme primitif

Quatre aspects de l'influence de l'Antiquité

La philosophie

On ne peut espérer faire, en quelques lignes, le compte de la dette immense que le christianisme des premiers siècles a contractée à l'endroit de la philosophie grecque ; le contenu des deux Testaments n'était guère philosophique, mais proprement kérygmatique et sotériologique, c'est-à-dire axé sur des événements historiques et orienté vers la fin des temps ; aussi, lorsque les Pères de l'Église voulurent se pourvoir d'un équipement spéculatif pour construire leur théologie, ils s'adressèrent tout naturellement au matériel conceptuel et doctrinal élaboré par la tradition grecque, par la tradition platonicienne en particulier (alors que le Moyen Âge devait s'adresser surtout à l'aristotélisme) ; toutefois, ces emprunts considérables s'accompagnèrent souvent, et parfois chez les mêmes auteurs, d'une grande défiance à l'égard de la philosophie profane. Or il est une œuvre chrétienne qui incarne excellemment cette double disposition et qui, par son prestige comme par son ancienneté, a valeur d'exemple pour toute la tradition chrétienne postérieure : c'est l'œuvre de saint Paul.

Dans les récits des Actes des Apôtres, on constate que la prédication de Paul s'efforce volontiers de relier le message chrétien aux croyances supposées de l'auditoire païen. La meilleure illustration de ce procédé est offerte par le célèbre discours d'Athènes (Actes, xvii, 16-34) ; on y voit Paul, après s'être entretenu avec des philosophes stoïciens et épicuriens, présenter la Bonne Nouvelle, non pas comme une rupture, mais comme un complément et un achèvement de la philosophie religieuse grecque. Un philosophe grec aurait pu quasiment signer ce discours ; à l'exception d'une seule mention du Christ, d'ailleurs voilée, les thèmes abordés sont ceux de la philosophie du temps : le Dieu inconnu n'habite pas dans les temples faits de main d'homme, il n'a aucun besoin, il donne à tous vie et souffle, il est proche de nous et se laisse trouver par qui le cherche ; une citation du poète stoïcien Aratus (ou de Cléanthe lui-même) confirme le caractère scolaire de ces idées. Cette méthode, qui insiste sur les convergences du christianisme et de la philosophie plutôt que sur leurs divergences, sera celle de tous les Pères apologistes, qui répéteront que le christianisme est lui aussi une sagesse, une παιδέια.

Mais le discours d'Athènes ne toucha pas les auditeurs, qui se dispersèrent dès qu'il fut question de la résurrection. Peut-être est-ce cet échec qui détermina saint Paul à changer radicalement d'attitude. Le texte le plus caractéristique de cette seconde manière est dans la Ire Épître aux Corinthiens, i, 17-ii, 16 : la « sagesse de discours » est maintenant rejetée comme « vidant » la croix du Christ ; le christianisme n'est plus une sagesse, mais un fait : le Fils de Dieu en croix. Loin d'être satisfaisant pour le philosophe, ce fait est pour lui une folie, dans la mesure où il est fou d'anéantir dans une abjection d'esclave un Dieu dont l'essence est d'être beau et libre. Cette attitude de rejet de la philosophie est, elle aussi, à l'origine de toute une tradition chrétienne, qui insistera, non sans provocation, sur l'« absurdité » du message chrétien, et traversera les siècles de Tertullien à Kierkegaard.

La religion : les mystères

Le terrain favori des comparatistes qui ont mis en évidence l'influence de la piété grecque sur le christianisme (Reitzenstein) fut l'étude des mystères hellénistiques, auxquels saint Paul notamment devrait certains éléments de sa doctrine et de son vocabulaire. L'essentiel des mystères d'Attis, d'Adonis et de Mithra consistait, pour le néophyte, dans une mort [...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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