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ANTIQUITÉ Naissance de la philosophie

Transmission de la philosophie grecque

La philosophie grecque a été essentiellement transmise au Moyen Âge latin et, de là, à la philosophie moderne, par deux voies indirectes : pendant la fin de l'Antiquité et le haut Moyen Âge, par la littérature philosophique de langue latine (Cicéron, Sénèque, Quintilien, saint Augustin, saint Ambroise, Boèce...) ; à partir du xiiie siècle, sous l'influence de traductions et de commentaires arabes (bientôt traduits eux-mêmes en latin) des originaux grecs. Cette filiation indirecte ne pouvait aller sans gauchissements, parfois lourds de conséquences. Ainsi, la traduction du grec ὀυσία par substantia, qui remonte à Quintilien, évoque l'idée d'un substrat mystérieux dissimulé sous les apparences. Or le mot grec correspondant ne contient aucune métaphore de ce genre : il signifie simplement la qualité de ce qui est proprement « étant ». Le mot grec ἐνέργεια, qui désigne l'éclat de l'œuvre achevée, n'est rendu que fort mal par le latin actus ou actualitas, qui évoque plutôt le terme d'un processus temporel. Le retour à l'original grec est apparu, à partir de la Renaissance, comme une exigence non seulement philologique, mais philosophique. C'est à cette époque que remontent les premières grandes éditions modernes de Platon (par Henri Estienne) et d'Aristote. Mais un travail considérable restait à faire, dans lequel se sont particulièrement distingués les philologues allemands du xixe siècle.

L'influence diffuse exercée par la philosophie antique depuis le haut Moyen Âge jusqu'à nos jours n'a en effet d'égale que la précarité de nos sources. Les œuvres de presque tous les philosophes de la Grèce – à l'exception de Platon, d'Aristote et de quelques néo-platoniciens – sont en effet perdues. Reproduites à peu d'exemplaires, elles n'ont pas survécu pour la plupart au discrédit dans lequel sont tombées à la fin de l'Antiquité, sous le double coup de la propagation du christianisme et des invasions barbares, les valeurs culturelles de la Grèce. Deux circonstances ont permis néanmoins de combler partiellement cette immense lacune. La première est que ces œuvres ont été abondamment citées, voire parfois plagiées, par des auteurs grecs ou latins de la fin de l'Antiquité dont nous avons conservé les œuvres. La seconde est que, selon un exemple donné par Aristote et continué par son disciple Théophraste, s'est constitué dans l'Antiquité un genre dit «  doxographique » consistant à rassembler, soit dans un ordre chronologique, soit par problèmes, les « opinions » des philosophes. Nous avons conservé certains de ces ouvrages comme les Vies et opinions des philosophes de Diogène Laërce (iiie s. apr. J.-C.) ou les Eclogae (Ἐκλογαί) de Stobée (ve s.), qui sont une source précieuse pour la reconstitution des doctrines perdues. L'utilisation conjointe de ces deux sources a permis de constituer, pour chaque auteur ou chaque école, des recueils de « fragments » et de témoignages qui, si imparfaits qu'ils puissent être, sont des instruments de travail indispensables pour qui veut aborder l'étude de la philosophie grecque. Les fragments des présocratiques ont été recueillis par Diels, ceux des stoïciens par H. von Arnim, ceux d'Épicure par H. Usener et, plus tard, par Arrighetti... À travers ces extraits et ces résumés, on ne peut guère espérer reconstituer avec certitude la démarche philosophique de ces auteurs, comme on s'y est efforcé avec plus de succès pour Platon et Aristote.

Il faut ajouter néanmoins que les philosophes anciens sont partiellement responsables de cet état de délabrement de nos sources. Car, s'ils ont beaucoup parlé, ils ont généralement peu écrit, du moins peu « publié » au sens où nous l'entendons aujourd'hui.[...]

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