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ANTISÉMITISME

L'après-guerre

L'Église et les juifs après le génocide

Malgré l'engagement de nombreux catholiques dans la lutte contre le nazisme et le soutien déployé individuellement par certains pour sauver des juifs, les silences de la hiérarchie catholique face au déchaînement de la haine nazie dès 1933, l'existence avérée d'un antisémitisme clérical appuyant activement les nazis (en Allemagne, en Autriche, en Croatie notamment), enfin l'absence de condamnation officielle du génocide par le pape pourtant informé dès 1941 des déportations de juifs vers des destinations inconnues à l'Est, ne pouvaient que susciter questionnements et interpellations. Il n'est certes pas évident que les officiels du Vatican, le Conseil mondial des Églises à Genève, ou même les organisations juives situées en dehors de la sphère contrôlée par les nazis aient immédiatement réalisé les intentions génocidaires du Reich. Les chrétiens n'en devaient pas moins se pencher sur leur propre passé, sur des siècles d'incompréhension, sur cet « enseignement du mépris », selon l'expression de Jules Isaac, qu'ils reçurent et qui modela leurs mentalités.

Les soixante-cinq personnalités catholiques, protestantes et juives réunies dans la ville suisse de Seelisberg, à l'instigation de Jules Isaac, souhaitent se concerter sur cette question. Parmi les présents, aucun représentant des Églises catholique et protestante de France. La déclaration qu'ils adoptent le 5 août 1947 est un message aux Églises, qui dicte en quelque sorte aux chrétiens la bonne conduite à adopter à l'endroit des juifs. Jules Isaac fonde l'année suivante l'Amitié judéo-chrétienne pour favoriser les rapprochements entre juifs et chrétiens.

Le pape Jean XXIII lance le processus de révision de l'enseignement chrétien sur les juifs le Vendredi saint de 1959, pendant la cérémonie solennelle, en demandant l'abandon, dans la célèbre prière pour les juifs, de la mention de la « perfidie judaïque » et des « juifs perfides ». Le 25 octobre 1965, on aboutit à la promulgation officielle d'un texte, la déclaration Nostra Aetate no 4, qui affirme le lien spirituel entre l'Église catholique et Israël et reconnaît « le grand patrimoine spirituel commun aux chrétiens et aux juifs », sans pour autant totalement supprimer la notion de déicide. Pour le vingtième anniversaire de la promulgation de Nostra Aetate, la Commission du Saint-Siège pour les relations avec le judaïsme fait paraître Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l'Église catholique. Enfin, Jean-Paul II publie, en décembre 1992, le nouveau Catéchisme universel de l'Église catholique qui adopte un ton nuancé et bienveillant sur les juifs. Les évêques de R.D.A., de R.F.A. et d'Autriche, en 1988, les évêques français, en 1997, s'engagent dans des déclarations de repentance pour le silence de leurs Églises face aux persécutions. Enfin, le 16 mars 1998, dans un texte intitulé Nous nous souvenons. Une réflexion sur la Shoah, le Vatican condamne « les interprétations erronées et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et à sa culpabilité » qui ont nourri l'hostilité à son endroit mais nie le lien direct entre antijudaïsme chrétien et antisémitisme nazi. Cette prise de position suscite des critiques en Israël et dans les milieux juifs en Europe.

L'Europe de l'Est

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Écrit par

  • : directrice de recherche à l'École pratique des hautes études (Sorbonne), titulaire de la chaire d'histoire du judaïsme moderne

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Médias

Moses Mendelssohn - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Moses Mendelssohn

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