BAILLY ANTOINE (1944-2021)
Pionnier en Europe de la géographie humaniste et de la science régionale, Antoine Bailly a su mettre en avant le rôle social et politique de la géographie urbaine, économique et culturelle.
Né à Belfort le 4 juillet 1944, Antoine Bailly fait des études de géographie à l’université de Besançon, puis choisit de suivre une formation en économie aux États-Unis, à l’université de Pennsylvanie, où vient alors de se créer un département de science régionale. À partir de cette expérience, Antoine Bailly développe dès les années 1960 un réseau de collaborations internationales et interdisciplinaires grâce à ses différents postes en France, au Canada et en Suisse, plus précisément à l’université de Genève, dont il sera nommé professeur émérite en 2004.
Pendant toute sa carrière, Antoine Bailly se consacre en parallèle à la géographie et à la science régionale, assurant des fonctions de responsabilité dans les deux disciplines et obtenant leurs plus hautes distinctions respectives : la Founder’s Medalde laRegional Science Association International (RSAI) en 2008 ; le prix international de géographie Vautrin-Lud en 2011. Les universités du Québec et de Lisbonne, et l’Académie des sciences de Hongrie lui ont par ailleurs décerné le titre de docteur honoris causa.
C’est à la fin des années 1960 qu’Antoine Bailly participe à la révolution scientifique de la géographie française en introduisant les méthodes quantitatives, la cartographie automatique et l’analyse factorielle, importées des États-Unis. Il obtient l’agrégation de géographie en 1968.
Mais, dès le début des années 1970, Antoine Bailly perçoit les limites de ces méthodes pour la compréhension et l’analyse des crises urbaines, des mouvements sociaux de l’époque et de l’accroissement des inégalités sociales et spatiales. Il s'intéresse alors aux représentations spatiales dans le cadre de sa thèse de doctorat à l’université de Paris-IV sur la perception de l’espace urbain, dirigée par Paul Claval et soutenue en 1977. Dès lors, Antoine Bailly se définit volontiers comme « clavalien », pratiquant une géographie holistique éloignée de la « géographie à tiroirs ». Sa pratique de la géographie consiste à aborder les thèmes et problèmes du monde contemporain à la fois sous les angles économique, social, politique et culturel. Grâce à cette diversité d’approches et de méthodes, aussi bien quantitatives que qualitatives, et d’ailleurs souvent empruntées à d’autres disciplines comme la psychologie, la sociologie ou l’économétrie, Antoine Bailly contribue à renouveler la manière dont sont abordés la mobilité, l’aménagement du territoire, le développement régional, la gouvernance territoriale. Dès 1980, il développe dans le monde francophone une « géographie humaniste », s'intéressant aux relations sensibles et affectives que les hommes tissent avec les lieux. L’étude de cette « topophilie » héritée de Gaston Bachelard, reprise notamment par le géographe sino-américain Yi-Fu Tuan, est orientée sur les notions de bien-être individuel et collectif, thème d’un important ouvrage publié par Antoine Bailly en 1981 (La Géographie du bien-être), puis vers les problématiques liées à la santé publique. En 1983, Bailly fonde avec le médecin Michel Périat et l’économiste Jean Paelinck la « médicométrie », discipline réunissant des spécialistes de différents horizons scientifiques et professionnels dans le but de développer une approche globale de la santé.
Antoine Bailly est également soucieux de promouvoir cette géographie centrée sur l’expérience humaine par le biais de la vulgarisation scientifique et de l’édition d'ouvrages. Il participe en 1990, avec l’homme politique Christian Pierret, à la création du Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, où il crée le 2 octobre 1997,[...]
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Écrit par
- Renato SCARIATI : géographe, documentaliste-bibliothécaire, université de Genève (Suisse)
Classification
Média