ANTOINE DE PADOUE saint (1195 env.-1231)
Qu'importe qu'Antoine (Fernando) soit né en 1195 ou en 1191 puisqu'on est démuni pour en trancher, ou qu'il soit de lignée noble et puissante comme il est de tradition hagiographique ? Compter Godefroy de Bouillon dans sa parenté n'ajouterait rien à celui qui fut plus vraisemblablement simple fils de Lisbonne. Le paradoxe est qu'un des saints les plus figurés, les plus invoqués — le saint des objets perdus, le thaumaturge — soit un de ceux pour lesquels l'histoire est pleine d'obscurités et fait souvent place à la légende. Des documents du xiiie siècle, entre autres la Legenda prima (avant 1245), la Legenda secunda (avant 1249), la Legenda altera de Pierre Raymond (vers 1293), la Vita B. Antonini de Jean Rigaud (vers 1294) en donnent le fil.
En 1210, Fernando revêtait l'habit des chanoines réguliers de Saint-Augustin à Saint-Vincent de Fora avant de partir pour le monastère de Sainte-Croix de Coïmbre tout proche de l'ermitage de Saint-Antoine de Olivares, où s'étaient installés des frères de François d'Assise qui recevaient l'aumône des chanoines. Ce partage de pauvreté mais aussi l'idée du martyre (cinq « mendiants » d'Olivares avaient péri au Maroc) le conduisaient en 1220 à changer de vêture et, sous le nom de frère Antoine, à prendre à son tour le chemin de l'Afrique. Il n'y trouvait pas la persécution mais la maladie et décidait de rentrer au Portugal. Au gré d'une tempête il débarquait en Sicile, à Messine, où il apprenait la convocation d'un chapitre général conviant pour la Pentecôte 1221 tous les fils du Poverello sans exclusive (ce sera la dernière fois) à Assise. À la clôture du chapitre, Antoine — qui, semble-t-il, avait été ordonné prêtre à Coïmbre — se retirait à l'ermitage de Monte-Paolo jusqu'à la prédication de Forli (Pâques 1222) qui révélait ses talents : « Il me plaît que tu enseignes à mes frères la sainte théologie », lui écrivit alors le Poverello. Dès ce moment Antoine va mener l'œuvre d'un prédicateur chrétien : « Tendre à une seule fin : le salut des âmes ». À la fois en stigmatisant l'inconduite du clergé (« Qui pourra briser les liens des richesses, des plaisirs, des honneurs, qui tiennent captifs les clercs et les mauvais religieux ?... ») et en prêchant en terre cathare. L'expérience acquise en ce domaine en Italie du Nord (Rimini, Bologne) devait le conduire à affronter les albigeois dans le midi de la France (de Pâques 1224 à la fin de 1227).
Il était au concile provincial de Montpellier puis se rendit à Toulouse et au Puy-en-Velay, où l'on peut considérer que s'ouvre la période des miracles (dont les compositions murales du Titien à la Scuola del Santo de Padoue donnent une vue d'ensemble et qui, de Donatello à Van Dyck, ont tenté les plus grands maîtres, Pérugin, Corrège, Murillo, Rubens...). À lire Jean Rigaud, le saint avait le don de prophétie : c'est, entre autres, l'épisode du notaire du Puy, ce « libre penseur » devant lequel Antoine s'agenouille à chaque fois qu'il le rencontre, « parce qu'un jour prochain vous serez martyrisé pour le nom du Seigneur Jésus ». À l'automne de 1225, Antoine est à Bourges, où il s'en prend à l'archevêque, lequel goûte peu sans doute les fraticelli : « Tibi loquar cornute » (« C'est à toi que je parle, porte-mitre-tête à cornes »). Là se produit le miracle de la mule qui dédaigne l'avoine pour se prosterner devant l'hostie consacrée, entraînant ainsi la conversion de son maître, Zacharie Gaillard. Le 7 juin 1226, il est au chapitre provincial d'Arles (où « apparaît » saint François), chapitre qui lui confie vraisemblablement la charge de custode (gardien) des menudets ou menydets (ainsi étaient nommés à Limoges les frères mineurs) du Limousin. La chronique[...]
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Écrit par
- Gilbert GIANNONI : chef de service, Encyclopædia Universalis
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