FABRE D'OLIVET ANTOINE (1768-1825)
Il est le plus notable, sans doute, des ésotéristes non chrétiens du xviiie siècle français. Fabre d'Olivet découvre en 1795 la Philosophie de la Nature (1769) du déiste Delisle de Sasles, ouvrage à succès qui l'influence beaucoup. Peu après, ruiné, Fabre doit vivre surtout de sa plume et d'un emploi au ministère de la Guerre, jusqu'à sa mise à la retraite en 1810. Vers 1800, l'apparition surnaturelle d'une femme défunte qu'il avait aimée (Julie Marcel) détermine sa vocation. Il est incontestable que Fabre fut un magnétiseur et il se prétendait capable de guérir des sourds-muets, quoiqu'on ne sache pas grand-chose sur la manière dont il procédait. Bien qu'il n'ait jamais été maçon, on le voit fonder, peu avant sa mort, une secte à armature maçonnique, la Vraie Maçonnerie, dans laquelle on s'occupe de magnétisme, et dont la symbolique pittoresque doit beaucoup à l'agriculture (la reconstitution de la « Céleste Culture » remplaçant celle du Temple de Salomon).
La Langue hébraïque restituée (ouvrage terminé en 1810 mais publié seulement en 1816-1817) traite de l'origine du langage ; mais l'auteur s'intéresse davantage aux langues sacrées (chinois, sanskrit, hébreu) qu'aux langues anciennes proprement dites. Pour lui, les mots sont des êtres vivants, les choses possèdent leurs noms naturels, le langage est mû par un principe spirituel. L'interprétation traditionnelle de la Genèse serait fausse, parce que la langue hébraïque est perdue. Court de Gébelin se contentait d'allégorisme pratique, mais son successeur recherche dans les textes le vrai enseignement divin. Il ignore pourtant presque tout de la kabbale. Au fond, sa traduction de la Genèse vise surtout à exprimer des idées abstraites de nature alchimique. Il cherche la synthèse des connaissances, qui relierait les sciences physiques et mathématiques aux sciences morales et métaphysiques.
Les Vers dorés de Pythagore (1813), précédés d'un projet de réforme de la versification, se présentent comme un ensemble de commentaires à propos de vers grecs. Dans ce livre plein de digressions, Fabre veut montrer l'universalité de la tradition, la valeur de la théosophie, l'impuissance de la philosophie. Surtout, il disserte sur la loi du Ternaire : Volonté et Destin sont soumis à la Providence, dont ils émanent ; la première s'exerce sur les choses à faire, le deuxième sur les choses faites, la troisième sur le présent, tout cela entrant dans l'Unité absolue pour constituer le Quaternaire pythagoricien. Le fait que Fabre souligne le primat de la volonté apparaît bien comme une marque de l'époque. Bien qu'antichrétien, Fabre considère le polythéisme comme le partage du vulgaire : il croit en l'apocatastase, mais ne dit presque rien sur la nature de la chute, tout en convenant que dans ce mystère est renfermée la clef du problème du Mal. À la fin de l'Empire, le théosophe écrit un beau traité sur les rapports analogiques de la musique avec la religion. Mal vu de Napoléon, c'est grâce au retour des Bourbons qu'il peut publier sa Langue hébraïque restituée, avec l'appui du gouvernement.
L'Histoire philosophique du genre humain (1822 et 1824) veut être un plaidoyer en faveur de la Providence, des origines de l'humanité à la Révolution française. En même temps, Fabre écrit ses Souvenirs, dans lesquels il étudie l'action de la Providence. L'Histoire philosophique tient le plus grand compte de la triplicité de l'homme, mais aussi du Ternaire universel : la Providence (vie intellectuelle), le règne hominal (vie animique et volonté), le Destin (vie instinctive). La Rédemption ne constitue pas le nœud de l'histoire. Pourtant, Fabre ne prône nullement un retour au polythéisme. La Renaissance a permis de sortir des ténèbres du Moyen[...]
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Écrit par
- Antoine FAIVRE : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III
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