LE MOITURIER ANTOINE (1425 env.-apr. 1497)
Dernier imagier des ducs de Bourgogne, Antoine Le Moiturier a usurpé sa réputation, dont est responsable en grande partie le sculpteur Michel Colombe, qui l'a qualifié de « souverain tailleur d'images ». Après la fuite, en 1456, de Jean de La Huerta, les gens des comptes du duc se mettent à la recherche d'un successeur éventuel. Agnès de Bourgogne leur recommande le propre neveu de Jacques Morel, auteur du tombeau de Charles de Bourbon et d'Agnès de Bourgogne dans l'église de Souvigny (près de Moulins) : Antoine Le Moiturier (nov. 1462) ; mais celui-ci ne peut se rendre à l'invitation du duc avant 1465, ni passer marché avant le 4 novembre 1466, car il se trouve retenu à Avignon et à Saint-Antoine-en-Viennois. Le Moiturier exécute pour l'église Saint-Pierre d'Avignon, sa ville natale, un immense retable de pierre pour lequel il avait passé marché le 14 avril 1461 et le 6 avril 1463. On a identifié deux des anges provenant de ce décor qui ont permis de reconstituer l'œuvre de Le Moiturier. On savait en effet qu'il avait terminé le tombeau de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et de Marguerite de Bavière (nov. 1469), pour lequel il avait notamment exécuté les deux gisants dont il reste les masques et les mains (musée des Beaux-Arts, Dijon), mais on ignorait ce qui lui revenait dans l'exécution des pleurants. La découverte des deux anges d'Avignon et leur analyse permet de reconnaître sa main dans les neuf premiers personnages. La rupture avec l'art de Jean de La Huerta, tout en courbes et en délicatesse, apparaît dans la conception des volumes : Le Moiturier construit ses figures selon des formes géométriques très simples, qu'il juxtapose les unes aux autres : triangle, rectangle et cercle. Ce parti pris est souligné par l'extrême simplicité des drapés ; l'artiste n'a pas recherché les effets de lumière, celle-ci glisse uniformément sur ces surfaces planes. Les visages n'expriment aucun sentiment particulier ; ils sont tout ronds, les yeux petits, la bouche fine et les joues bien pleines. Cet art dénote une certaine sécheresse, si l'on en croit les œuvres que l'on a tenté d'attribuer à Le Moiturier : un Ange du musée Rolin à Autun, un Saint Laurent de la chapelle de Fleury et surtout les Anges en vol provenant de la Mise au tombeau de Semur-en-Auxois. L'attribution du tombeau de Philippe Pot (Louvre), qu'on lui donnait généreusement, n'est pas attestée. On y retrouve les volumes si chers à Antoine Le Moiturier, mais l'effet dramatique de l'œuvre lui est totalement étranger.
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Écrit par
- Alain ERLANDE-BRANDENBURG : conservateur général honoraire du Patrimoine
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