Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PROST ANTOINE (1933- )

Un chercheur dans la cité

Antoine Prost a appartenu au bureau national du syndicat SGEN-CFDT et participé à différentes commissions touchant aux questions d’éducation, sur lesquelles il prend position dans l’espace public. Lorsque Michel Rocard est nommé Premier ministre, il devient son conseiller spécial sur le sujet (1988-1990), ce qui lui permet de porter la réforme qui conduit au nouveau statut de « professeur des écoles » pour les maîtres de l’enseignement primaire. Dans ses travaux sur l’éducation, entre recherche, proposition et prospective, Prost revient souvent sur ses propres analyses pour les mesurer, à l’aune des évolutions postérieures (Du changement dans l’école, 2013). Prost s’investit également dans sa ville de résidence, Orléans (où il a enseigné de 1960 à 1962 au lycée, puis, de 1969 à 1979, à l’université), en siégeant au conseil municipal sous le mandat du rocardien Jean-Pierre Sueur. Il étudie aussi Orléans du point de vue de l’histoire sociale.

Soucieux d’articuler la dimension académique du métier d’historien et son engagement dans la cité, Antoine Prost participe à la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France (1998-2000) et préside à partir de 2012 le conseil scientifique de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. Il y accomplit un travail important à différents niveaux : d’abord en fédérant l’ensemble des tendances de la recherche au sein du Conseil, lui permettant ainsi d’intervenir de manière assez unifiée auprès des pouvoirs publics par des conseils et des notes, plus ou moins suivis, ensuite en soutenant dans l’espace public l'activité générale de la Mission par des interviews ou des conférences (comme la chronique sur la France à la veille de la Grande Guerre diffusée sur France Inter en 2013) et, enfin, en poursuivant une œuvre personnelle et collective de recherche. Il publie ainsi un Verdun de référence en 2016 avec l’historien allemand Gerd Krumeich. Prost a par ailleurs contribué à la rénovation du Mémorial de Verdun, créé par les anciens combattants, inauguré de nouveau pour le centenaire de la bataille (2016).

Ses travaux sur la Grande Guerre font en effet référence. Dans sa thèse sur les anciens combattants, il montre notamment que, loin de former le bras armé d’un fascisme français, les combattants de 14-18 sont très attachés à la paix, en un « pacifisme patriotique » partagé bien au-delà de la gauche. Mais surtout, cette thèse aborde déjà, dans une perspective tant d’histoire politique que d’anthropologie, tous les enjeux de mémoire qui vont animer l’historiographie pendant des décennies : les souvenirs et la sociabilité combattante, les monuments aux morts et les formes de la mémoire… Après avoir mis au second plan le chantier « 14-18 » au profit de l’histoire de l’éducation ou de la Seconde Guerre mondiale, Prost y revient depuis les années 2000 en prenant en considération tant les avancées de l’historiographie que les évolutions des mémoires. Il réfute ainsi l’idée que les soldats de 14-18 aient été « brutalisés » par l’expérience du front, au sens où l’entend l’historien George Mosse, et s’interroge sur la délicate question du comptage des pertes, ou sur celle de la mémoire des morts. Depuis ses premières recherches où il recourait aux méthodes quantitatives et statistiques – qu’il s’agisse d’étudier le vocabulaire politique avec la lexicologie, les conseillers généraux de 1870 (à l’époque des fiches perforées), les effectifs syndicaux –, Antoine Prost reste sensible à la question de la preuve.

— Nicolas OFFENSTADT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Antoine Prost - crédits : Valérie Menard/ Opale/ Leemage

Antoine Prost