VAN DYCK ANTOINE (1599-1641)
Enfant prodige et prince charmant de la peinture, Van Dyck surprend, et tout à la fois ravit et agace par l'aisance de sa démarche, par la souplesse de ses facultés d'adaptation, par l'agréable variété de ses successives manières de peindre. Élégant, raffiné, tour à tour aimable et émouvant, n'est-il que le brillant « second » de Rubens ? Tant de périodes stylistiques plus facilement tranchées et par là même plus décelables que chez les autres artistes, tant d'influences supérieurement assimilées et ressenties (Rubens, Titien et Véronèse), tant d'agilité et de facilité à se concilier les clientèles de milieux sociaux très divers rendent malaisé un jugement équitable : est-il un grand artiste un peu superficiel ou un tempérament nerveux sinon maladif dont son art – apparemment inquiet – se ressentirait ? Il est vrai que la période anglaise, incroyablement productive, pose de façon critique la question des collaborations d'atelier. Alors que Rubens apparaît face à Van Dyck comme un authentique maître d'œuvre, un véritable grand patron, apte au travail collectif et n'en souffrant point, tout au contraire Van Dyck reste un individualiste qui fut peut-être gêné par ses succès et auquel aura d'ailleurs manqué la consécration de grandes entreprises décoratives ; mais c'est une malchance singulière pour lui que de mourir à peu près au moment où la place laissée par Rubens le mettait à même de s'y essayer.
Une réflexion sur la notion d'influence s'impose à propos de Van Dyck : ainsi la fameuse et si féconde collaboration avec Rubens devrait-elle être examinée avec soin ; la chronologie des italianismes vandyckiens, revue de près. En fin de compte, l'image traditionnelle, quasi « proustienne » d'un Van Dyck maladif, instable et nerveux, auquel ferait écho la morbidezza de son style, n'est-elle pas surtout complaisante et littéraire ? Van Dyck n'est pas Fromentin... L'œuvre pris dans son ensemble forme un édifice plus solide et plus original qu'il n'y semble d'abord paraître. Le dessinateur commence seulement à percer, qui révèle maintes surprises comme celles de ses paysages à l'aquarelle d'une étonnante spontanéité. Il convient enfin d'insister sur l'extraordinaire rayonnement du portraitiste qui, dans la peinture occidentale, fixe pour plus d'un siècle l'évolution du grand portrait d'apparat, notamment dans l'école anglaise qui fut sans conteste la plus « portraitiste » de toutes.
Éléments biographiques
Né à Anvers, septième enfant d'une riche et pieuse famille de marchands, Antoon van Dyck frappe par sa précocité ; à l'âge de dix ans, en 1609, il est inscrit comme apprenti chez le peintre anversois Hendrick van Balen, cet habile et infatigable « maniérisant » spécialisé dans les petites figures mythologiques, et vers 1613-1614 se situe déjà le magistral Autoportrait de l'Académie de Vienne. Dès 1616, Van Dyck, sorti de la maison paternelle, cohabite avec Jan Breughel le Jeune, Juste d'Egmont et Herman Servaes, leur servant d'aides ; en 1618, il apparaît sur les registres de la guilde de Saint-Luc d'Anvers comme maître, tandis que Rubens, dans ses négociations artistiques avec Dudley Carlton, est amené à le citer comme son meilleur disciple. De ces années-là date une étroite et fructueuse collaboration avec Rubens (en 1620, Van Dyck, rapporte l'ambassadeur anglais Arundel, habite même chez Rubens), notamment à propos de l'immense commande des plafonds de l'église des Jésuites d'Anvers où Van Dyck, en tant qu'exécutant, prend une part considérable. Sa renommée croît rapidement ; en novembre 1620, il est en Angleterre et Jacques Ier lui alloue une rente annuelle de 100 livres. Il habite alors chez le[...]
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Écrit par
- Jacques FOUCART : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre
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