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VITEZ ANTOINE (1930-1990)

Antoine Vitez - crédits : Daniel SIMON/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Antoine Vitez

Né en 1930, autodidacte, formé à travers des expériences personnelles mais surtout par son propre appétit de culture, Antoine Vitez est issu d'une famille très « IIIe République » : sa mère est institutrice et son père photographe, animé de sympathies anarchistes. Vitez ne fait pas d'études universitaires, mais commence tôt à apprendre le russe – il traduit Cholokhov, Maïakovski, Boulgakov – et à travailler auprès d'Aragon dont il sera le secrétaire de 1960 à 1962 pour L'Histoire parallèle de l'U.R.S.S. et des États-Unis. Il suit, par ailleurs, les cours de théâtre de Tania Balachova. Assez vite, il commence à enseigner avec passion, et s'impose rapidement en tant que pédagogue, d'abord à l'école Jacques-Lecocq, ensuite, pendant plus de dix ans (1968-1981), au Conservatoire national, où il développe une approche personnelle qui rompt avec les habitudes anciennes. Il développe surtout le principe des exercices et des variations de jeu à partir des textes. En même temps, il s'applique à restaurer la diction de l'alexandrin dans sa dimension formelle, où la musique prend une place importante. Liberté et ordre extrême seront de fait les deux pôles de sa pédagogie. En même temps, Vitez assure pour les jeunes interprètes un passage facile de la salle de l'école à la scène du théâtre professionnel. Il s'agit d'une mise à l'épreuve, d'un défi à affronter pour l'élève comédien.

Un metteur en scène-pédagogue

Il y a, certes, de l'orgueil dans cette pratique, car le metteur en scène entend chaque fois se placer à l'origine d'une carrière, et non pas hériter d'interprètes déjà auréolés. Jusqu'à son arrivée à la Comédie-Française en 1988, Vitez aura le souci de toujours privilégier, dans le choix d'un rôle, la révélation aux dépens parfois de la justesse, et le comédien inconnu, jeune, aux dépens du comédien connu, peut-être davantage expert, mais forcément plus réservé et aussi davantage prisonnier du métier. Or, chez Vitez, l'imaginaire du corps ne peut s'accomplir que grâce à une distribution libre de toute réticence, toujours ouverte aux propositions avancées. C'est à cette énergie-là que le metteur en scène puise sa force.

Sa première mise en scène sera Électre de Sophocle au Théâtre-maison de la culture de Caen (1966). Et d'emblée, presque de manière surprenante, en montant l'année suivante Les Bains de Maïakovski, Vitez révèle ce qui va constituer une de ses particularités : le jeu entre l'ancien et le moderne, mais un jeu radical, un jeu des extrêmes, un jeu des contraires.

Parallèlement aux activités du Conservatoire, il crée une école auprès du théâtre des Quartiers d'Ivry dont il est le directeur de 1972 à 1981, année où il est nommé à la direction du Théâtre national de Chaillot. Rapidement, il ouvre là aussi une école. Enseigner signifie tout d'abord, pour lui, transmettre le goût de la liberté, de la gratuité, de l'inutile, toutes valeurs que la société refoule. À l'école, on peut plonger dans l'extravagance des exercices et dans la jouissance des associations d'idées sans que les perspectives du jugement porté pèsent sur les initiatives prises. Les élèves ayant été formés dans cet esprit pourront ensuite le préserver dans le cadre du travail public. L'école et le théâtre fonctionnent ainsi comme des vases communicants.

Vitez a constitué une « famille » d'acteurs et en a défendu le principe. Elle réunit les élèves de même que d'anciens amis car, pour lui, la fidélité reste un ressort moral indispensable à l'activité théâtrale. Il a, par exemple, toujours distribué Gilbert Vilhon, Madeleine Marion, Pierre Vial, acteurs de ses débuts, à côté de ses jeunes élèves. Ainsi sa famille[...]

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Écrit par

  • : critique de théâtre, professeur émérite à l'université Paris Sorbonne

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Média

Antoine Vitez - crédits : Daniel SIMON/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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