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WATTEAU ANTOINE (1684-1721)

Succès et fortune de Watteau

<it>Femme dans un jardin buvant du café avec des enfants</it>, N. Lancret - crédits :  Bridgeman Images

Femme dans un jardin buvant du café avec des enfants, N. Lancret

À sa mort, la réputation de Watteau est établie, ses tableaux se vendent cher, beaucoup ont déjà quitté la France – sans compter ceux qu'il a exécutés à Londres –, ses dessins sont appréciés des amateurs. C'est sans doute la raison, sans parler de leur caractère novateur et de leur exceptionnelle qualité, pour laquelle Jean de Jullienne entreprend de les faire graver par une pléiade d'excellents graveurs, au nombre desquels le jeune François Boucher (1703-1770) se taille la part du lion. Les deux volumes de ces Figures de différents caractères sont publiés en 1726 et 1728. Jullienne ne s'arrête pas en si bon chemin : il fait également graver l'essentiel des peintures de Watteau disponibles sur le marché, et dont un grand nombre lui appartiennent. Les deux volumes de ce Recueil, ajoutés aux deux précédents, ont vraisemblablement un but commercial, à la manière d'un catalogue de vente (particulièrement en ce qui concerne les peintures), mais surtout ils propagent à travers l'Europe les modèles de Watteau, ses inventions poétiques, la grâce de ses personnages, et sont responsables du succès et de la diffusion de la fête galante. Watteau n'avait eu que deux élèves : Nicolas Lancret (1690-1743), avec qui il devait se fâcher, et Jean-Baptiste Pater (1695-1736), originaire de Valenciennes, rapidement renvoyé par son maître, mais que celui-ci rappela à la fin de sa vie, et qui partagea ses derniers moments, apprenant tout ce qui était possible en quelques mois, et étant chargé de copier certains de ses tableaux après sa mort en vue de leur gravure.

Lancret et Pater reflètent, avec des tempéraments différents, les inventions de Watteau, les transcrivent avec une certaine naïveté, parfois une gaucherie d'attitudes, une fidélité sans invention au modèle. La manière de dessiner de leur maître les marque profondément, qu'il s'agisse des figures – femmes gracieuses marchant ou faisant la révérence, musiciens en béret, têtes... – ou des techniques : sanguine et trois crayons, utilisés à la manière de Watteau. Mais il y a aussi les épigones, ceux qu'on a nommés « satellites » de Watteau : Bonaventure de Bar, Octavien, Quillard, puis Ollivier, Pesne à Berlin, Mercier à Londres, et tant d'autres responsables de cette floraison européenne de la fête galante, qui devient l'une des composantes du rococo. Il faudrait aussi nommer François Lemoyne, dont certains dessins ont été attribués à Watteau, Boucher, qui transpose dans son propre registre, plus charnel, les bergeries de Watteau, ou Jacques de Lajoüe, qui introduit dans ses paysages des personnages copiés dans le Recueil Jullienne. Par leur intermédiaire, on arrive à Fragonard, qui sans cela n'eût peut-être pas dessiné ces jeunes femmes en robe de satin, ni peint pour Mme du Barry la fameuse série des Progrès de l'amour, où d'élégants jeunes gens se poursuivent et se courtisent sous des frondaisons. Il faudrait aussi mentionner l'influence des modèles de Watteau, par la gravure, sur les arts décoratifs européens, montrer leur succès en Angleterre comme en Prusse, où Fréderic II collectionne les toiles de Watteau, puis celles de Lancret et de Pater...

À l'époque du néo-classicisme, Watteau entre pour quelques décennies au purgatoire des peintres, dont le sortiront avec éclat les Goncourt ainsi que l'engouement du second Empire pour la gravure d'ornement.

— Marianne ROLAND MICHEL

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La Comédie italienne, A. Watteau - crédits : courtesy National Gallery of Art, Washington

La Comédie italienne, A. Watteau

Amour paisible, A. Watteau - crédits : Stiftung Preussische Schlösser und Gärten, Berlin-Brandenburg, Postdam

Amour paisible, A. Watteau

<it>La Danse</it>, A. Watteau - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

La Danse, A. Watteau

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