GRAZZINI ANTON FRANCESCO, dit LE LASCA (1503-1583)
D'une famille de notaires florentins dont certains occupèrent des charges importantes au xvie siècle, Anton Francesco Grazzini dit le Lasca, contrairement à une légende qui faisait de lui un apothicaire, n'exerça jamais aucune activité professionnelle. On connaît peu de chose de sa jeunesse car il ne fait parler de lui qu'à la fin du règne d'Alexandre de Médicis. Ses sympathies le portent du côté des opposants au régime ; mais, lorsque Côme Ier prend le pouvoir en 1537 et cherche à rallier à lui les intellectuels, il profite de cette ouverture et, en novembre 1540, dans la maison de Giovanni Mazzuoli, il fonde avec ses amis, dont la plupart exercent une activité marchande, l'académie des Umidi. Le groupe est en contact étroit avec des Florentins qui se trouvent à Padoue où s'est ouverte l'académie des Infiammati. Lasca commence à composer de nombreuses œuvres, des poésies pétrarquisantes, des poésies burlesques inspirées par Berni, des chants de carnaval et des comédies. Sa farce Le Religieux (Il Frate) sera jouée en 1541. Deux seulement de ses comédies, La Jalousie (La Gelosia, 1551) et La Possédée (La Spiritata, 1560), seront représentées. Les autres sont Les Mariages (I Parentadi), La Bigote (La Pinzochera), La Sorcière (La Strega), La Sibylle (La Sibilla), Le Stratagème (L'Arzigogolo), qui ne sont publiées qu'en 1582 à Venise.
En 1541, Côme Ier transforme l'académie des Umidi en une institution culturelle d'État, l'Académie florentine. La bourgeoisie marchande traditionnelle ne joue plus un grand rôle à Florence et les valeurs culturelles qui relevaient d'elle sont en voie de liquidation. L'activité éditoriale de Lasca, qui a été exclu de l'Académie avec ses amis en 1547, vise à sauvegarder un patrimoine culturel en train de mourir. En 1548, il édite les œuvres de Francesco Berni (1498 env.-env. 1535) et d'autres poètes burlesques, en 1552 les sonnets de Burchiello (mort en 1448) et, en 1559, les chants de carnaval florentins. Dans le même temps, presque clandestinement, il reprend et étoffe son recueil de nouvelles Les Soupers (Le Cene), qui ne verra le jour qu'en 1756 et qui est une des œuvres les plus intéressantes du xvie siècle. Dans ces nouvelles, centrées principalement sur le thème de la beffa (plaisanterie, farce), on peut mettre en évidence un fantasme sado-masochiste à coloration homosexuelle. Sur un autre plan, le scénario de la beffa renvoie au régime absolutiste, bureaucratique et policier de Côme Ier.
En 1566, grâce à des appuis et à de nouvelles amitiés, Lasca se réinsère dans l'Académie florentine ; mais, dans ses poésies burlesques qui constituent une précieuse chronique de la vie culturelle florentine, il continue à défendre une cause désormais perdue. Il reçoit certains honneurs académiques dans sa vieillesse, mais il connaît toujours les mêmes difficultés lorsqu'il veut publier ses œuvres. Il se heurte notamment à l'Inquisition. À la fin de sa vie, il contribua à fonder avec ses amis, en 1582, l'académie de la Crusca.
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Écrit par
- Michel PLAISANCE : professeur à l'université de Paris-VIII
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