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GEESINK ANTON (1934-2010)

Le 23 octobre 1964, un colosse néerlandais, Anton Geesink (1,98 m, 104 kg), fait pleurer tout le Japon : pour honorer Jigorō Kanō, le Comité international olympique (C.I.O.) a inscrit le judo au programme des Jeux de Tōkyō ; or, dans le combat pour le titre suprême, celui des « toutes catégories », le Néerlandais cloue au sol l'icône locale, Akio Kaminaga, immobilisé pendant 30 secondes et donc vaincu. Le succès de Geesink désole certes le Japon, mais il confère une nouvelle dimension au judo : jusque-là considéré comme un art martial spécifiquement nippon, ce sport se voit propulsé sur le devant de la scène médiatique européenne, ce qui provoque un engouement inédit et lui vaudra d'intégrer définitivement le programme olympique en 1972 à Munich.

Anton Geesink est né le 6 avril 1934 à Utrecht. Adolescent, il travaille dès l'âge de quatorze ans comme apprenti maçon et dépense le reste de son énergie à la pratique sportive (football, natation). Le jeune homme assiste à une démonstration de judo et se prend immédiatement de passion pour cet art martial : c'est décidé, il deviendra professeur de judo. En 1952, il est champion d'Europe de judo ; à partir de 1955, il travaille ses techniques avec Haku Michigami, un maître nippon installé en France qui n'hésite pas à se rendre aux Pays-Bas pour façonner son élève.

Mais, à cette époque, le judo dépend en Europe des fédérations de lutte ; Anton Geesink s'initie donc à la lutte gréco-romaine, ce qui lui permet notamment de développer sa puissance du haut du corps. Il est trois fois champion des Pays-Bas dans cette discipline. Retenu pour disputer la compétition de lutte gréco-romaine aux jeux Olympiques de Rome en 1960, il ne peut pas honorer sa sélection : en raison de son statut de professeur de judo, il se voit considéré par le C.I.O. comme un « professionnel ». Il est vrai qu'il se rend depuis 1956 tous les ans au Japon où il passe deux mois afin de s'imprégner de la culture nippone et de « baigner » dans le judo. Pour ce qui est de l'entraînement, il se montre novateur : sorte de stakhanoviste, il ne manie pas la fonte comme les habitudes le voudraient, mais il se prépare en alliant la natation et les courses en forêt qui sont propices au soulevé de troncs d'arbre.

En 1961, les troisièmes Championnats du monde de judo se tiennent pour la première fois hors du Japon. Ils se déroulent à Paris et l'impensable se produit : Anton Geesink bat Koji Sone, tenant du titre. Le triomphe du Néerlandais provoque un séisme au pays du Soleil levant et une modification du règlement : jusque-là, la « voie de la souplesse » devait permettre aux combattants de tous les gabarits de s'affronter avec des chances égales de victoire ; or la masse du Néerlandais apparaît comme un élément important de son succès et la Fédération internationale instaure trois catégories de poids. Lors des Jeux de Tōkyō, les Japonais s'imposent dans les trois catégories de poids, mais, pour tout le Japon, l'épreuve reine est la compétition « toutes catégories », essence même du judo, qui se déroule le 23 octobre. Le Budokan bondé attend l'événement avec une passion mâtinée de crainte. Comme prévu, la finale oppose Akio Kaminaga à Anton Geesink. Le Japonais tente à plusieurs reprises de porter une attaque, mais le géant néerlandais ne bronche pas ; Geesink, connu pour son exceptionnelle capacité à déséquilibrer son adversaire par quelque fauchage ou mouvement de hanche, use d'une arme inhabituelle : alors que le combat a débuté depuis plus de 7 minutes, il fait subir au Japonais une immobilisation ; les quinze mille spectateurs retiennent leur souffle durant les 30 secondes du calvaire de Kaminaga, qui essaie vainement de se dégager. Alors que des spectateurs pleurent déjà, Geesink, champion olympique, ne saute pas de joie : respectueux, il salue simplement son adversaire, le prince[...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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