MENGS ANTON RAPHAEL (1728-1779)
À son époque, Anton Mengs passe pour le plus grand peintre d'Europe. Il semble catalyser les aspirations des premiers néo-classiques qui, à la suite de Winckelmann, prônent le retour à la « manière simple et noble du bel antique », au beau idéal, à la pureté de la statuaire grecque et au dessin de Raphaël. On le tient généralement pour le véritable réformateur de la peinture corrompue par le goût baroquisant et rococo. Né en Bohême, c'est en 1741 qu'il se rend pour la première fois à Rome, où il entre dans l'atelier de Marco Benefial. Puis il exerce son activité pendant deux ans à Dresde, où il est au service d'Auguste III. De retour à Rome, il noue une amitié, riche de conséquences pour son art, avec Winckelmann. Ses grandes décorations à l'église Sant'Eusebio, à la villa Albani (Le Parnasse, terminé en 1761), traduisent en termes figuratifs les idées du théoricien allemand ; aussi lui valent-elles bientôt une renommée internationale. Charles III d'Espagne lui offre de décorer le palais royal de Madrid. En 1771, Mengs est élu prince de l'Académie de Saint-Luc, institution qui désire marquer ainsi sa volonté de rupture avec la tradition baroquisante. En 1772, Mengs est occupé à décorer la salle des Papyrus à la Bibliothèque vaticane, et, en 1773, il travaille pour la cour d'Espagne. C'est au cours de ce second séjour dans ce pays qu'en 1774, à la suggestion de Francisco Bayeu, il appelle à Madrid le jeune Goya qu'il charge d'exécuter des cartons de tapisseries.
Si les compositions de Mengs, dont l'amateur Mariette disait à juste titre qu'elles étaient « sans verve » et « de glace », ne méritent pas les louanges qu'elles suscitèrent à leur création, elles ont néanmoins un intérêt capital pour l'histoire du goût pictural. Et pour les mieux comprendre, il convient de se référer aux écrits théoriques de leur auteur. Ces textes (Riflessione sulla bellezza e sul gusto della pittura ; Sogni sulla bellezza ; Sopra il gusto degli Antichi ; Lezioni pratiche di pittura ; Sopra Tiziano ; Riflessioni su Raffaello, etc.) ont été diligemment rassemblés par le chevalier d'Azara en 1780. Pour Mengs, la beauté est la « perfection rendue agréable à la raison par l'intelligence » ; elle a son origine dans l'imitation de la nature — qui elle-même contient l'idée du beau — ; reproduite simplement, celle-ci « devient appropriée à notre intellect » et acquiert « cette clarté qui fait qu'on la dit belle ». Ainsi, l'attribut spécifique et essentiel du beau n'est autre que la simplicité. Ordre, symétrie, harmonie, unité, tels sont les termes qui reviennent le plus souvent sous la plume de Mengs. Comme autrefois le « conservateur » Bellori, il invite les peintres à unir à bon escient dans un seul tableau les qualités spécifiques de divers maîtres, afin d'atteindre à l'expression d'une beauté idéale et raisonnée. Raphaël est cité en exemple pour le dessin et l'expression ; Corrège pour la grâce et le clair-obscur ; Titien pour le coloris. En revanche, Rubens et Caravage sont les artistes à ne pas suivre. Significativement, Mengs recommande aux jeunes peintres la « pénétration, l'attention, la patience » et les exhorte à ne pas se laisser éblouir par « cette vivacité, ce feu qu'on prend d'ordinaire pour du génie, mais qui en réalité ne l'est pas ». Mengs, en fait, est le porte-parole de Winckelmann, dont il partage les engouements artistiques, notamment pour les récentes fouilles d'Herculanum et de Pompéi (« L'histoire de l'art est venue au jour »).
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Écrit par
- Marc LE CANNU : pensionnaire de l'Académie de France à Rome
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