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ANTON REISER, Karl Philipp Moritz Fiche de lecture

Longtemps oublié, Karl Philipp Moritz (1727-1793) est désormais un auteur reconnu à sa juste valeur : ses écrits esthétiques (notamment l'essai De l'imitation formatrice du beau) et surtout Anton Reiser séduisent un public de plus en plus nombreux. Moritz fait partie de ces voyageurs curieux que produisit le xviiie siècle allemand, désireux de quitter l'étroitesse du provincial Saint Empire. En dépit de l'indigence de ses moyens, il visita l'Angleterre, à l'âge de vingt-six ans, puis fit, la plume à la main, un voyage en Italie (1786-1789) au cours duquel il rencontra Goethe. Quand il ne voyageait pas, cet esprit nomade parcourait des territoires intellectuels encore largement inexplorés, notamment lorsqu'il édita une revue de psychologie en grande partie descriptive (Magazin für Erfahrungsseelenkunde, 1783-1793).

Un roman autobiographique

Anton Reiser parut en quatre livraisons de 1785 à 1790. La vie du protagoniste ressemble presque trait pour trait à celle de Moritz. Le texte a donc un statut ambigu : roman et documentaire, autobiographie à la troisième personne et récit distancié d'une existence fictive. C'est, écrit Henri Heine, « l'histoire de quelques centaines de thalers que l'auteur ne possédait pas et qui transformèrent son existence en une suite de privations et de renoncements, alors même que ses désirs n'étaient rien moins qu'immodestes ».

Anton Reiser naît en Allemagne du Nord dans une famille marquée par la discorde et la pauvreté. Son père, qui s'adonne à une forme de quiétisme inspiré par les écrits de Mme Guyon, et qui croit en une mystique de la grâce et de la prédestination, exerce sur son fils des contraintes rigoureuses : pour échapper à cette ascèse, Anton se réfugie dans le monde imaginaire, se passionne pour toutes les constructions intellectuelles et littéraires. Contre l'avis de son père, et au prix de sacrifices et d'humiliations pénibles, l'adolescent parvient à se faire inscrire au lycée de Hanovre. Timide, dépourvu d'amour-propre, il rêve de carrières glorieuses. Son indigence le réduit à l'obscurité : or il désire être au centre des regards, prédicateur ou tragédien. La plume sèche de Moritz rend ironiquement compte des essais poétiques de son protagoniste, de son goût pour l'univers imaginaire du théâtre, de ses fuites et de ses errements. À l'âge de dix-neuf ans, Reiser fuit Hanovre, parcourt à pied 300 kilomètres, étudie un moment à Erfurt, puis, au moment où le récit s'interrompt, se joint à une troupe de théâtre en pleine décomposition.

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Écrit par

  • : agrégé d'allemand, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-VIII

Classification

Autres références

  • MORITZ KARL PHILIPP (1727-1793)

    • Écrit par
    • 720 mots

    Écrivain allemand né à Hameln, le 15 septembre 1727, Karl Philipp Moritz est mort à Berlin le 26 juin 1793. Le milieu modeste où il est né, son enfance pauvre d'apprenti errant sur les routes d'Allemagne l'ont définitivement marqué. Il fréquente tant bien que mal diverses « écoles de latin », voit...