ANTONELLO DE MESSINE (1430 env.-1479)
Le peintre sicilien Antonello de Messine est considéré comme un protagoniste essentiel de l'art du xve siècle. Sa vie et son œuvre mal connues ont été l'objet des recherches minutieuses de nombreux historiens de l'art, à commencer par G. B. Cavalcaselle en 1860. Les minces témoignages des lettrés de la Renaissance, les documents d'archives, heureusement transcrits par deux érudits siciliens quelques années avant le tremblement de terre de Messine de 1908, et les quelque quarante-cinq œuvres ayant survécu que la critique s'accorde à lui attribuer ont été complétés par des examens scientifiques et des études menées parallèlement sur les peintres, de peu antérieurs ou strictement contemporains, dont il a pu voir les travaux. Ces éléments permettent de mieux cerner le contexte de sa vie et de son œuvre, de définir sa technique, sa culture et son style et de caractériser son apport dans les trois domaines qui constituent sa production : le portrait, les œuvres cultuelles et celles destinées à la dévotion privée.
Géopolitique et contacts culturels
Antonello de Messine fut un sujet de la couronne d'Aragon. Après le bref règne du roi René Ier d'Anjou (1435-1442), Naples et la Sicile voient se développer le mécénat d'Alphonse V d'Aragon (1442-1458) et de son fils Ferrante Ier. La lettre de renseignements sur l'histoire de la peinture méridionale adressée par l'humaniste napolitain Pietro Summonte, en 1524, à un amateur d'art vénitien, Marcantonio Michiel, évoque le peintre Colantonio comme le maître d'Antonello. Colantonio est un fervent admirateur de la peinture flamande, copiste littéral de plusieurs œuvres de Van Eyck dans les collections du roi d'Aragon, en contact non seulement avec les œuvres de Flamands (Rogier van der Weyden, Petrus Christus), mais aussi avec les interprétations créatives de la peinture flamande par les peintres provençaux de l'entourage de René d'Anjou (Barthélemy d'Eyck, Enguerrand Quarton), et par les peintres ibériques, notamment valenciens, actifs à Naples (Jacomart Baço, Pere Reixach). Formé à Naples dans son atelier, Antonello a pu ainsi avantageusement compenser sa marginalité géographique grâce à ces stratifications et convergences culturelles venues du Ponant.
Durant la première partie de son activité professionnelle (vers 1455-1475), Antonello tient un atelier familial et répond sans concurrence aux commandes d'images religieuses de la Sicile orientale et de la côte calabraise. Remarqué sans doute par la colonie vénitienne de Messine, il semble avoir été attiré à Venise par la perspective d'y élargir ses commandes de portraits. La navigation autour de la mer Méditerranée, accrue par les liens politiques entre Valence, Barcelone, Marseille et Naples, faisait nécessairement escale à Messine. Dans ce port franc, les galées vénitiennes relâchaient deux fois par an dans leurs périples vers les Flandres, et c'est vraisemblablement cette opportunité qu'utilisa Antonello lorsqu'il se rendit à Venise pour son séjour de 1475-1476.
Revenu dans sa ville natale, il continua d'œuvrer pour des Vénitiens. Son fils Jacobello, peintre, comme trois de ses neveux, est resté quelques années à Venise, reprenant des schémas paternels.
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
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