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MOINE ANTONIN (1796-1849)

Dans Choses vues, Victor Hugo décrivit en mars 1849, le suicide à Paris du sculpteur Antonin Moine : « ...Le coup de pistolet avait emporté presque toute la tête. Le sang ruisselait sur le carreau ; il y avait de la cervelle sur les murs et sur les meubles. C'est ainsi que mourut, marqué par la fatalité, comme Jean Goujon son maître, Antonin Moine, nom qui désormais rappellera deux souvenirs, une mort horrible, un talent charmant. » Malgré Victor Hugo, les œuvres et le souvenir d'un des noms les plus importants de la sculpture romantique, dont la carrière se déroula sous le règne de Louis-Philippe, disparurent des mémoires. Grâce à plusieurs expositions dont la pionnière fut La Sculpture française au XIXe siècle au Grand Palais en 1986, il apparaît clairement que Antoine-Louis Barye, François Rude et David d'Angers ne furent pas les seuls acteurs et que d'autres artistes comme Antonin Moine et Auguste Préault furent déterminants dans les débuts et tout au long du mouvement romantique en sculpture.

Né en 1796 à Saint-Étienne, Antonin Moine vint à Paris où il fut l'élève de Girodet et de Gros. Il peignit des sujets mythologiques et des paysages mais sa soudaine notoriété vint de la première manifestation de la sculpture romantique : le Salon de 1831, où il exposa des sculptures qui le rendirent célèbre en un jour. Théophile Gautier chanta ses louanges en le nommant le premier de tous à cause de sa supériorité incontestable et il précise ainsi la nouveauté de son art : « Les hardies et heureuses modifications que Géricault et Delacroix ont apportées dans la peinture, Moine les a introduites dans la sculpture. » La révolution romantique en sculpture arriva quelques années plus tard qu'en peinture et en littérature, mais tous les jeunes artistes des années 1830 furent puissamment soutenus par des écrivains et des critiques qui publiaient dans la revue L'Artiste, créée en 1831. Que montrait Moine de si nouveau en 1831 ? Deux bas-reliefs, deux bustes et quelques médaillons. Les Lutins en voyage, dont le musée du Louvre a acquis en 1997 une épreuve en plâtre, est une création fantastique où deux petites créatures démoniaques sont emportées sur le dos d'une sorte de cheval-dragon. La Chute d'un cavalier (musée des Beaux-Arts, Tours) montre un homme nu s'agrippant à sa monture comme dans un hommage à Géricault. On ne peut juger des bustes aujourd'hui disparus, qui frappèrent les critiques par leur fraîcheur et leur vie, mais certains des médaillons ont été retrouvés, dont l'un au musée d'Art moderne de Saint-Étienne, et sont de curieuses imitations de la Renaissance, tant italienne qu'allemande. Toutes ces œuvres montrent un souci de se dégager du discours néo-classique par une démarche historiciste et la volonté d'exprimer le modelé du peintre et du pastelliste. Le retour au Moyen Âge ou à la Renaissance et le recours au « naturel » et au « vivant » – termes employés par la critique – deviennent alors les signes de la nouveauté et de la modernité. Très vite, les sculpteurs suspects de ne pas se soumettre à la doctrine classique comme Barye, Félicie de Fauveau, Hippolyte Maindron, Moine et Préault furent exclus du Salon annuel, seul endroit où ils pouvaient exposer leurs œuvres et espérer des achats et des commandes. En 1836, Moine montra cependant deux figures colossales (au musée du Petit Palais, Paris) qui devaient flanquer un des bénitiers prévus pour l'église de la Madeleine. Le projet fut abandonné et il réalisa finalement deux bénitiers aux proportions beaucoup plus modestes portant des anges au canon allongé caractéristique de la fin du gothique. Puis il fut un des premiers sculpteurs à signer, dès 1837, des contrats avec les frères Susse « éditeurs-papetiers » qui, au moyen de petits sujets de bronze et de plâtre, popularisèrent la sculpture[...]

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