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NOVOTNY ANTONÍN (1904-1975)

Fils d'ouvrier, Antonín Novotny adhère à dix-sept ans au Parti communiste tchécoslovaque qui vient de se constituer. Ce jeune serrurier de la banlieue de Prague gravira peu à peu les échelons d'une carrière d'apparatchik commencée dès 1929. Membre du comité régional du parti pour la ville de Prague, il fera partie en 1935 de la délégation du Parti communiste tchécoslovaque au VIIe congrès de l'Internationale communiste sans pour autant prendre part à ses débats ni se faire élire dans ses instances.

En 1937-1938, il est secrétaire du comité du parti pour la Moravie du Sud, dont il dirige le journal Moravské Slovácko. Pendant l'occupation allemande, il exerce des fonctions assez importantes dans l'organisation du parti à Prague. C'est de là qu'il est déporté en septembre 1941 dans le camp de Mauthausen, où il évite de s'engager ouvertement dans la résistance. Les dirigeants du Parti communiste soviétique et du Parti communiste tchécoslovaque le savent : désormais, il sera leur otage, ce qui le rendra plus fidèle et plus soumis que jamais. Secrétaire du comité du P.C. à Prague, où il remplace les résistants turbulents, il est élu en 1946 au comité central.

Après le « coup de Prague » en février 1948, ce spécialiste de l'organisation devient député. Il joue un rôle majeur lors de l'instruction des procès politiques grâce au contrôle qu'il exerce sur les documents du parti et des ministères. En septembre 1951, il profite des purges pour se faire nommer secrétaire du comité central, membre de son présidium et de son secrétariat politique. Il adopte une ligne d'autant plus dure qu'il sait que les résistants et les déportés inculpés peuvent être amenés à évoquer son propre passé. À la mort de Gottwald, en 1953, il devient premier secrétaire et « joue » la carte Khrouchtchev contre Malenkov. Cela ne l'empêche pas de mettre en scène huit nouveaux procès qui se solderont par de nouvelles exécutions.

À la fin de 1955, il est contraint d'entrouvrir le dossier des procès antérieurs à 1953. L'affaire hongroise lui permet de le refermer et de réprimer les oppositions des intellectuels et des Slovaques en arguant de la nécessité d'une politique « antirévisionniste ».

Après la mort du président Zápotocky, en novembre 1957, Novotny accède à la magistrature suprême. Réélu premier secrétaire du parti, il bloque les réhabilitations, dénonçant en Slánsky le « Béria tchécoslovaque », un mois après le XXIIe congrès du P.C.U.S. Il se heurte alors à la Cour suprême et doit faire machine arrière, sacrifiant son ministre de l'Intérieur comme bouc émissaire.

Chacune des mesures libérales apparaît comme un recul personnel du président, qui ne se résout pas à faire passer dans les faits la réforme économique amorcée en 1963. Un mois après la chute de Khrouchtchev, qui remet en cause le principe du cumul des fonctions, il se fait réélire à la présidence de la République. Novotny, homme méfiant et vindicatif, néglige de consulter le comité central et son présidium. Son anti-intellectualisme irrite le monde de la culture et les techniciens. En 1967, face à la hausse des prix de gros, il saborde la réforme économique en alignant les entreprises modèles sur les usines déficitaires. La même année, il purge les intellectuels du parti, réprime brutalement les étudiants et pourfend le « nationalisme bourgeois » slovaque. Enfin, il songe à sacrifier ses collaborateurs responsables de ces secteurs difficiles. Certains d'entre eux l'abandonnent alors et font bloc, lors de l'assemblée plénière du comité central d'octobre 1967-janvier 1968, avec les Slovaques qui réclament la démocratisation du parti. Il tente alors un coup d'État dont l'échec précipitera sa défaite : le 5 janvier 1968, après une autocritique lénifiante, Novotny annonce lui-même sa démission du premier[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, diplômé de l'École nationale des langues orientales, chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études

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1968 dans le monde - crédits : Pathé

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