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PROUST ANTONIN (1832-1905)

Artiste, critique, commissaire d'expositions, collectionneur, député, Antonin Proust fut, en France, le premier ministre des Arts en 1881, avant Malraux (1959), avant Jack Lang qui en revendiquait, lors de son ministère, un siècle plus tard, la filiation. Il eut le premier, dans l'histoire de la politique culturelle française, la conviction qu'il fallait, pour avoir un ministère de la Culture fort, concentrer sous son aile les différents services qui étaient jusque-là éparpillés sous d'autres tutelles. En effet, dès 1792, l'administration des arts était rattachée au ministère de l'Intérieur, puis elle fut souvent dispersée entre le ministère de l'Instruction publique, le ministère des Travaux publics et le ministère du Commerce. Gambetta, qui nomma Proust, aura ces paroles prophétiques : « Vous avez été, mon cher ami, le premier ministre des Arts, vous serez vraisemblablement le dernier mais notre programme sera repris sous une autre forme, parce qu'il est dans la force des événements qu'il soit repris et exécuté. » Ce précurseur fut aussi le fondateur du musée des Monuments français, de l'École du Louvre et du musée des Arts décoratifs.

Antonin Proust, né en 1832, à Niort, dans les Deux-Sèvres ; il est issu d'une des plus grandes familles bourgeoises du département. C'est en 1844, à Paris, au collège Rollin, que se noue une amitié indéfectible avec Édouard Manet, liens qui ne cesseront pas à la mort du peintre (1883). En 1884, le politicien organise une exposition Manet, à l'École des beaux-arts et, en 1897, il publie dans la Revue Blanche, un article « Édouard Manet. Souvenirs », où il évoque les escapades à Argenteuil ou à Trouville, les flâneries dans Paris, les moments historiques partagés. Antonin Proust, épris de progrès, a sans doute trouvé auprès du peintre le goût du réel et l'élan de la modernité, dont témoigne l'admirable Portrait de Proust, présenté par Manet au Salon de 1880 : retenu et élégant, pris dans sa redingote, fier, coiffé de son chapeau huit reflets, dandy, mais « pas fadement mondain », Proust est alors en pleine ascension politique – il sera ministre un an plus tard. En confiant son image au peintre de l'Olympia, il proclame ses choix en faveur d'une peinture non académique, défendus jusqu'à son suicide en 1905.

Celui qu'on nommera « l'Alcibiade de la République athénienne » effectue, en 1852, le rituel voyage en Grèce, qu'il relatera dans Voyage sur le mont Athos. Débute alors une carrière dans le journalisme. En 1862, il rend compte de l'Exposition universelle de Londres et formule déjà les principes esthétiques qu'il reprendra vingt ans plus tard au ministère des Arts : la promotion de l'unité de l'art, de l'enseignement du dessin, la valeur éducative des musées et la défense du réalisme. Antonin Proust peut être assimilé à la nouvelle génération de critiques et de politiques qui défendra le naturalisme, tout en prônant une intervention minimale de l'État dans le domaine de l'art.

En 1892, Proust écrit L'Art sous la République, un résumé de sa pensée et de son expérience au service de l'État. Entré sur l'échiquier politique dès 1870, grâce à Gambetta qui le recrute dans l'équipe fondatrice de son journal, La République française, où chaque journaliste est considéré comme un futur ministre, Proust aiguise ses idées sur un ton polémique, nourri d'érudition. De 1879 à 1892, il est huit fois rapporteur du budget des Beaux-Arts à la chambre, son cheval de bataille étant notamment la création du musée des Arts décoratifs (1882). En 1879, Proust avait été nommé par Jules Ferry président de la Commission des monuments historiques, où il poursuit trois objectifs : le classement méthodique des monuments,[...]

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