ANTONIO ANTONIO LOPEZ dit (mort en 1986)
Américain né d'une famille d'immigrés espagnols, Antonio passe son enfance à Puerto Rico et à New York où, fasciné par le luxe des grands magasins, séduit par les publicités de la ville, il trouve sa voie dans l'illustration publicitaire et dans le dessin de mode. Car le caractère tapageur et éphémère de la mode, l'atmosphère de perpétuel renouvellement du monde publicitaire le stimulent.
Dessinant épisodiquement pour Vogue dès les années soixante, il définit, au début de la décennie suivante, un style graphique adapté aux aspirations écologiques et psychédéliques de l'intelligentsia : dans une symphonie d'arabesques géantes, aux couleurs pastel, se lovent des femmes échevelées, au regard nostalgique ou extasié, dont les robes, d'inspiration nettement hippie, déploient des voiles flottants et multicolores. C'est pour les éditions européennes de Vogue qu'Antonio donne les meilleurs de ses dessins : des silhouettes en vaporeux déshabillés, dans un « flou » alors très apprécié (ainsi qu'en témoigne, au même moment, le succès des photographies romantiques d'Hamilton). La mise en pages très contournée, les attitudes voluptueuses des modèles qui semblent en état d'apesanteur rappellent Klimt.
L'éclectisme d'Antonio l'amène à adopter selon les circonstances la violence chromatique du fauvisme ou les superpositions insolites des collages surréalistes. Sa frénésie de références esthétiques, sans souci des contradictions stylistiques, donne naissance à un genre d'illustration baroque assez déconcertant. Sa maîtrise technique lui permet même de dessiner d'irréprochables anatomies hyperréalistes, comme ce « portrait » de Paloma Picasso portant un soutien-gorge-ceinture (1972).
Très lié au milieu des artistes de la bohème de luxe, Antonio partage certains partis esthétiques de leur chef de file, Andy Warhol : il adopte les outrances intentionnellement stéréotypées du pop art avec, parfois, des clins d'œil à Lichtenstein. Il collabore à la revue d'Andy WarholInterview, où le souci d'étonner mélange l'expression de l'avant-garde intellectuelle et artistique à l'exhibition parodique d'un snobisme désuet. C'est un monde cosmopolite où chacun recherche la provocation tout en étant conscient d'appartenir à une élite. Au cours des années soixante-dix, Antonio devient le dessinateur publicitaire favori de certains magazines de mode d'avant-garde comme Fiorucci, La Forêt (Tōkyō), Bloomingdale (qui lui commande une campagne publicitaire sur les produits chinois, en 1980).
La personnalité insolite de l'artiste séduit les directions des magazines de luxe. Son excentricité passe pour un dandysme épicé et il flirte volontiers avec la plus haute sophistication comme avec le mauvais goût : les illustrations de femmes énigmatiques provocantes, haletantes ou convulsées qu'il réalise pour les revues Vanity (Italie) et High Fashion (Japon) en témoignent. Tout en collaborant aux différentes éditions de Vogue, il donne également de beaux dessins pour G.Q. Magazine, revue américaine d'élégance masculine.
Ses modèles préférés sont des femmes élancées, à la silhouette facile à styliser, qu'il dote de visages à l'expression agressive, ou absente. Ces créatures, tantôt désincarnées, tantôt offertes, reviennent constamment dans son œuvre : mannequins célèbres et convoités par les grandes maisons de couture, elles ont pour noms Pat Cleveland, Grace Jones, Tina Chow, Jessica Lange, Jerry Hall. Antonio leur consacre même un album, Antonio's Girls (1982). Il conçoit aussi des séries de dessins obsédants où ses modèles, contorsionnés, distordus, se transforment en chaussures à talons aiguilles, très provocantes. Cet érotisme violent, caractéristique de la mode cynique du début[...]
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Écrit par
- Guillaume GARNIER : conservateur du musée de la Mode et du Costume, palais Galliera
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