BUERO VALLEJO ANTONIO (1916-2000)
Né le 29 septembre 1916, à Guadalajara, membre de la Real Academia Española (1971), lauréat du prix Cervantès (1986), Antonio Buero Vallejo fut l'auteur dramatique le plus représentatif du théâtre, en Espagne, dans la seconde moitié du xxe siècle. On peut le considérer comme le chef de file de la « génération réaliste » (A. Sastre, J. M. Rodriguez Méndez, C. Muñiz, J. M.Recuerdas), soucieuse de mettre en scène les conflits de l'après-guerre civile.
Le prix Lope de Vega, décerné en 1948 à Historia de una escalera, révèle un auteur dramatique d'autant plus ignoré du public que, deux ans plus tôt, il était encore en prison. D'abord condamné à mort pour son engagement dans les troupes républicaines, il bénéficie d'une remise de peine. Grâce à ce prix, une voix de révolte se fait entendre, en plein régime franquiste, et malgré la vigilance de la censure. Histoire d'un escalier, drame de la frustration et des illusions perdues, qui met en scène trois générations de gens modestes, manifeste une conscience aiguë de l'injustice sociale et des conditions de vie déplorables qu'un pouvoir politique réactionnaire ne faisait rien pour améliorer.
Représentée en 1950, la pièce suivante de Buero Vallejo est une tragédie qui a la valeur exemplaire d'une parabole. Nouvel élève dans un établissement destiné à l'éducation de jeunes infirmes, Ignacio, le protagoniste de En la ardiente oscuridad, est, comme ses condisciples, aveugle de naissance. À « l'illusion de normalité », niant la cécité, qui est le principe de base sur quoi se fonde l'éducation dispensée dans cette institution, Ignacio, à l'inverse, oppose la réalité : il est aveugle, tous sont aveugles. Ce handicap, dont tout le monde est affligé, ne doit pas être un obstacle au désir impérieux de discernement et qui devrait habiter toute conscience. Pourtant, le conformisme et la résignation l'emportent sur la révolte : Ignacio sera tué par un de ses camarades ; ainsi la collectivité ne sera pas dérangée par cette passion de la lucidité. Ignacio, pour qui la vérité est la plus haute valeur, est le héros emblématique de l'œuvre de Buero Vallejo. À cette même veine d'inspiration néo-symboliste appartiennent aussi La Tejedora de sueños (1952, La Tisseuse de songes) et Aventura en lo gris (Une aventure en gris, 1963), Llegada de los dioses (1971, Arrivée des dieux).
« L'espérance du désespoir et le désespoir de l'espérance est ce qui définit toute tragédie digne de ce nom. » Cette formule résume l'idéal à la fois généreux et sceptique de Buero Vallejo. Son œuvre dramatique peut être classée selon trois orientations distinctes. Du point de vue de la critique sociale et politique, plusieurs drames, ou tragédies, dénoncent toutes les formes d'oppression ou d'exploitation. Hoy es fiesta (1955, Aujourd'hui c'est jour de fête), Las Cartas boca abajo (1957, Les Cartes renversées) et El tragaluz (1967, Le Soupirail, sur la guerre civile), en tant que témoignage réaliste sur l'état de la société contemporaine, prolongent Historia de la escalera.
Avec la même intention d'inquiéter pour guérir les maux qu'ils dénoncent, des drames historiques transposent dans une époque révolue des situations de désordre social ou de pouvoir arbitraire, qui sont toujours d'actualité. Ainsi Un soñador para un pueblo (1958) évoque l'époque de Charles III, Las Meninas, (1960), celle de Philippe IV, El Concierto de San Ovidio (1962) la période qui précéda la Révolution française, El Sueño de la razón (1970) Goya et les persécutions contre les libéraux ordonnées par Ferdinand VII.
Les formes extrêmes de la tyrannie, telles que la torture, le terrorisme, les violences policières, sont le sujet d'autres drames, dont certains ne purent voir le[...]
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
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