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CANOVA ANTONIO (1757-1822)

Sculpteur de Napoléon

Cependant, pour lui-même, il dessine des scènes de la rue, peint des portraits intimes, des compositions naïves ou brutales, modèle de fins reliefs où il s'éloigne sciemment des stucs pompéiens ou romains, pris comme exemples. Il développe toute une esthétique de la stèle funéraire dans l'esprit noble et mélancolique des tombeaux attiques. Soucieux de se renouveler, Canova s'attaque en 1795 à un Hercule jetant Lycas à la mer, groupe colossal achevé vers 1810. Les « pugilateurs » Creugas et Damoxène manifestent le même désir d'aborder un art viril, assez éloigné de sa vraie nature. Dès lors, Canova occupe le premier rang en Italie et sans doute en Europe. Il ne résistera pas à Napoléon dont il deviendra le sculpteur préféré. Persée, Hector, Ajax, Pâris ne sont que variations sur des modèles antiques. Thésée luttant contre le Centaurea plus de réelle puissance dans le mouvement et la musculature. Les Trois Danseuses, Terpsychore, la Vénus italique, les Trois Grâces, dans leurs poses apprêtées, reflètent mieux le rêve de féminité gracieuse que son extraordinaire habileté lui permettait d'incarner dans le marbre. Parallèlement, Canova compose d'importants monuments funéraires, dont celui de l'archiduchesse Marie-Christine (1798-1805, Vienne) est le plus émouvant par l'invention d'un cortège recueilli en marche vers la porte du tombeau.

<it>Thésée luttant contre le Centaure</it>, A. Canova - crédits :  Bridgeman Images

Thésée luttant contre le Centaure, A. Canova

<it>Les Trois Grâces</it>, A. Canova - crédits :  Bridgeman Images

Les Trois Grâces, A. Canova

<it>Pauline Borghèse</it>, A. Canova - crédits :  Bridgeman Images

Pauline Borghèse, A. Canova

De Napoléon, le sculpteur a laissé le buste idéalisé le plus évocateur et une colossale statue où il transforme abusivement son héros en Mars pacificateur nu (1803-1808, Londres). Madame Letizia devient une très noble Agrippine assise (1804-1806), tandis que Pauline Borghèse, en Vénus victorieuse, expose complaisamment un corps superbe, qui contraste avec la froide perfection d'un visage divinisé. Marie-Louise, banale image officielle de la Concorde, trône, mais c'est surtout le buste préparatoire modelé sur nature en 1810 qui retient l'attention par l'acuité sans complaisance de l'observation, tout comme la retient celui de Murat parmi tant d'autres aussi bien venus. Prince de l'académie de Saint-Luc, directeur des Musées romains, Canova, sans avoir d'élèves, jouit d'un prestige extraordinaire que la chute de l'Empire n'amoindrit pas.

Un voyage à Londres en 1815 lui révèle les marbres du Parthénon, qui l'enthousiasment, mais il est trop tard pour que son style en soit profondément modifié. Ces bas-reliefs l'incitent à moduler avec plus de réalisme ses dernières statues, Madeleine étendue, Nymphe couchée, Endymion dormant. Toutefois, ses « têtes idéales » s'éloignent des modèles qui les inspirent (Madame Récamier). Pour l'église qu'il fit bâtir à Possagno d'après le Panthéon romain, il conçut des métopes d'une grande simplicité et une Descente de croix, fondue en bronze après sa mort, dont les sources se trouvent dans l'art florentin des xve et xvie siècles.

Le 13 octobre 1822, Canova s'éteignit à Venise. Son œuvre fut rassemblée dans une galerie construite auprès de sa maison natale.

La diffusion de l'art canovien, de saveur tout italienne, imprégné de sensualisme lyrique, trop fin pour exercer une influence déterminante, se trouva contrariée à Rome même par son rival le Danois Thorvaldsen, apôtre d'un néo-classicisme sans nuance, tendant à l'archaïsme.

— Gérard HUBERT

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Écrit par

  • : conservateur en chef du Musée national de Malmaison

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Vénus couronnant Adonis, A. Canova - crédits : A. Dagli Orti/ DeAgostini/ Getty Images

Vénus couronnant Adonis, A. Canova

<it>Psyché ranimée par le baiser de l'Amour</it>, A. Canova - crédits : Encyclopædia Universalis France

Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, A. Canova

Amour et Psyché, Antonio Canova - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Amour et Psyché, Antonio Canova

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