FOGAZZARO ANTONIO (1842-1911)
Homme politique, poète et romancier italien, dont l'ouvrage Le Petit Monde d'autrefois (Piccolo Mondo antico, 1895) est l'un des livres les plus lus par ses compatriotes : la tendre petite Ombretta qui se noie dans le lac de Lugano a fait plus peut-être pour la célébrité d'Antonio Fogazzaro que ses autres œuvres, seuls événements visibles d'une vie tout intérieure et presque tout entière écoulée à Vicence, où il est né. Il écrit des poèmes d'abord, dès 1874, et quelques nouvelles, où il cherche sa voie, mais par la suite, il propose surtout des romans, dont une tétralogie (Piccolo Mondo antico, Piccolo Mondo moderno, 1900 ; Il Santo, 1905 ; Leila, 1911). Le roman seul, en effet, par sa matière même, la représentation de la vie, lui semble apte à exprimer et à transmettre à tous ses convictions ; un premier roman, Malombra (1881), donne sans ambiguïté le ton de son œuvre ; Fogazzaro, avec la ferveur d'une foi retrouvée et qui ne s'émoussera pas, veut réintroduire dans les lettres italiennes la fondamentale dimension spirituelle de l'homme, niée par le réalisme triomphant ; il devance et nourrit ainsi le renouveau spiritualiste des dernières années du siècle.
Persuadé de l'urgence d'un renouvellement de tous, en un temps qui s'enlise dans l'incertitude de l'État, l'absentéisme, l'inertie, il fait de ses personnages ses porte-parole : Daniele Cortis (1885) pour la vie civile, Le Saint pour la vie spirituelle. Il s'engage dans une véritable croisade pour la défense du sacré, au fil d'une œuvre marquée par la musicalité du récit, une couleur régionale, dialectale et comique, ainsi qu'une grandeur morale, qui charment et touchent.
Par son action et une grande partie de cette œuvre, Fogazzaro demeure associé à la crise moderniste. Grand ami de Mgr Bonomelli et de sa génération, il avait respiré dans son milieu familial l'air du Risorgimento et du catholicisme libéral ; il avait assimilé Manzoni et Rosmini ; il avait retrouvé en 1873, à la lecture de Gratry, la foi perdue neuf ans plus tôt, et subi l'influence mystique de Towianski. Sa sensibilité vibrante le faisait vivre en état d'enthousiasme, ouvert à toutes les curiosités et à tous les problèmes.
Cette disponibilité le préparait à accueillir aussi bien les questions soulevées par l'exégèse nouvelle que les aspirations à un réformisme religieux surgies dans la jeune génération. Il défendit Loisy, diffusa Tyrrell, publia Le Saint, aussitôt traduit en France dans La Revue des Deux Mondes, ainsi qu'en plusieurs langues, mais presque aussi vite mis à l'Index. Fogazzaro se soumit, mais, en 1907, il participait à la fondation d'une revue milanaise de culture religieuse, Il Rinnovamento (1907-1910), dont trois jeunes catholiques avaient pris l'initiative et dont les déboires ne tardèrent pas.
Dans sa dernière œuvre (Leila), il a anticipé sa propre oraison funèbre : « Il n'a rien aimé sur la terre plus que l'Église [...]. Le vrai caractère de son œuvre ne fut pas d'agiter des questions théologiques où pour lui le terrain n'était pas sûr ; ce fut de rappeler les croyants de tout ordre et de toute condition à l'esprit de l'Évangile. »
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Écrit par
- Émile POULAT : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Autres références
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- Écrit par Émile POULAT
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