LISBOA ANTONIO FRANCISCO, dit ALEIJADINHO (1738 env.-1814)
Réputé le plus grand des artistes brésiliens, Antonio Francisco Lisboa a exercé ses talents dans la province de Minas Gerais, région montagneuse et désertique, soudainement devenue un Eldorado au début du xviiie siècle. L'Église elle-même, comme toutes les autres classes de la société, s'y était laissé gagner par la soif de l'or, et demandait à l'art de célébrer son opulence.
Antonio Francisco Lisboa est un mulâtre, fils naturel d'un charpentier (carpinteiro) et d'une femme de couleur. On le connaît sous le nom de « O Aleijadinho » (le petit estropié). En 1777, alors qu'il est dans la pleine force de l'âge, il est en effet victime d'une maladie qui allait lui ronger les membres et au sujet de laquelle on a avancé les hypothèses les plus diverses, de la lèpre à la syphilis en passant par les maladies endémiques du Minas. Il acquit dans l'atelier paternel des connaissances très larges sur tous les métiers du bâtiment, car Manuel Francisco Lisboa, le Carpinteiro, était aussi architecte. Il les compléta par l'étude de la talha, la sculpture sur bois.
L'Aleijadinho est donc un artiste complet. Il est architecte lui-même et on apprécie ses talents à Saint-François d'Ouro Preto, un monument d'une rare perfection qu'il élève entre 1766 et 1792. C'est l'époque où, dans le Minas, le rococo se substitue au baroque. L'Aleijadinho en apprécie les charmes, mais il en use avec discrétion. Tout le décor, d'une grande unité, conduit au retable.
Il réforme l'art du décor d'autel en composant toujours ses retables avec une grande lisibilité et une remarquable clarté. Simultanément, il réintroduit le décor de pierre à l'intérieur de l'église. À l'extérieur, il donne tous ses soins aux portails auxquels le goût rococo confère un rythme souple et une parfaite élégance (Carmo de Sabará, église paroissiale de Congonhas do Campo, Carmo d'Ouro Preto, Saint-François de S ao Jo ao del Rei, Saint-François d'Ouro Preto).
Mais il demeure surtout l'auteur d'une œuvre exceptionnelle, le décor du sanctuaire du Bom Jesus de Matosinhos à Congonhas do Campo. Ce sommet spirituel de l'Amérique latine, dédié à la Passion, se situe à soixante kilomètres d'Ouro Preto (or noir, la ville où l'on avait découvert le minerai le plus riche en or), à une altitude d'environ mille mètres. Il s'inspire de la scénographie puissante de son modèle portugais, le Bom Jesus de Braga. Alors qu'il est victime d'une infirmité croissante, l'Aleijadinho exécute, et fait exécuter par son atelier (1796-1799), les statues en bois des passos, ou stations du Chemin de croix placées dans six chapelles bordant la Voie sacrée, et surtout les statues des prophètes (1800-1805), qui se dressent sur la terrasse, en avant de l'église où l'on vénère la statue gisante du Senhor Bom Jesus. L'Aleijadinho se trouvait mal préparé par ses travaux antérieurs à la réalisation de cette statuaire en pierre ; mais le souffle divin dont il a su enflammer ses personnages lui a fait découvrir un grand style religieux.
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Écrit par
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
Classification
Autres références
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BAROQUE
- Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS , Pierre-Paul LACAS et Victor-Lucien TAPIÉ
- 20 831 mots
- 23 médias
...baroque qu'on a pu poser à leur sujet le problème du rococo. À ce style se rattache l'œuvre d'un maître local : le sculpteur mulâtre Antonio Francisco Lisboa, dit « le petit infirme », l'Aleijadinho (1738 ?-1814), qui fut peut-être aussi architecte et a pu travailler à la construction d'églises (São Francisco...