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LABRIOLA ANTONIO (1843-1904)

Généralement considéré comme le premier marxiste italien, Antonio Labriola, né à Sangermano, fut l'élève, à Naples, de Bertrando Spaventa. Son premier écrit, Contro il ritorno di Kant propugnato da E. Zeller (1862), s'inspire de l'idéalisme néo-hégélien. En 1866, il se consacre à Socrate, puis, en 1869, à Spinoza (Origine e natura delle passioni secondo l'Etica di Spinosa). Il est alors profondément marqué par la psychologie et la morale de J. F. Herbart (cf. ses deux essais de 1873, Della libertà morale et Morale e religione). Nommé en 1874 professeur à l'université de Rome, où il enseignera jusqu'à sa mort, Labriola, à travers des préoccupations pédagogiques (cf. notamment Dell'insegnamento della storia de 1876), s'écarte de l'hégélianisme et, s'intéressant à la situation politique italienne, en vient, dans les années 1880, à étudier les origines et la nature de l'État. Il adhère finalement au marxisme et, ayant lu Marx et Engels, s'engage de plus en plus dans la vie militante.

En août 1888, il entre en rapport avec Andrea Costa, le fondateur du Parti socialiste italien, et il fait en décembre sa première intervention devant des ouvriers des aciéries. Il mène contre les positivistes et les marxistes « darwiniens » de rudes polémiques, dont on trouve des échos dans la correspondance suivie qu'il entretient avec Engels depuis mars 1890. Ses Essais sur la conception matérialiste de l'histoire, publiés entre 1895 et 1898, forment le couronnement théorique de son activité. Ses dernières années sont consacrées à l'enseignement de la philosophie de l'histoire, à un très important échange de lettres avec G. Sorel (Discorrendo di socialismo e di filosofia), et a des contributions aux débats de la IIe Internationale, notamment pour combattre les thèses de Bernstein et de Masaryk.

Ce « marxiste rigoureux » (F. Engels), préoccupé de « mettre la pensée scientifique au service du prolétariat », a exercé une influence déterminante sur le marxisme en Italie, à travers B. Croce, dont il fut le maître et l'ami, G. Gentile et surtout A. Gramsci, qui lui devra en grande partie la problématique et l'expression même de « philosophie de la praxis ». Antonio Labriola fut, par excellence, l'homme du matérialisme historique qui représentait, pour lui, « d'une certaine manière tout le marxisme ». Il en a été le défenseur et le commentateur intransigeant face à toutes les entreprises de réduction. Comme l'écrivait Paul Louis : « Nulle part le concept de matérialisme historique, tant de fois dénaturé de son sens vrai par des ignorants ou des politiciens sans conscience, n'a été analysé avec autant de probité et de profondeur [...]. Aucun commentaire ne pourrait être comparé à celui-ci. Si Lénine a précisé et développé avec puissance certaines des thèses fondamentales du socialisme scientifique, Labriola nous a offert le fil conducteur qui nous permet de les comprendre en les replaçant dans leur cadre historique [...]. Le nom de Labriola, malgré la modestie de l'écrivain, doit être lié de manière absolue à ceux des auteurs du Manifeste communiste, et il serait regrettable qu'il ne fût pas mieux connu de la jeunesse ouvrière et intellectuelle » (Cent Cinquante Ans de pensée socialiste, 1953).

— Georges LABICA

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, maître assistant de philosophie à l'université de Paris X-Nanterre

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