ROSMINI-SERBATI ANTONIO (1797-1855)
Prêtre, philosophe et patriote italien. Né en 1797 à Rovereto, Antonio Rosmini-Serbati fit ses études universitaires à Padoue (1817-1819). Il fonda en 1828 une congrégation religieuse, l'Institut de la charité (rosminiens). Le roi Charles-Albert l'envoya établir des accords politiques avec Pie IX. Rosmini accompagna le pape en fuite à Gaète (nov. 1848) et attira en vain son attention sur la montée du nationalisme italien et la nécessaire reconnaissance des libertés politiques. Il fut ensuite expulsé de Naples par les Bourbons. En juin 1849, deux de ses ouvrages furent mis à l'Index : Les Cinq Plaies de l'Église et Constitution selon la justice sociale. Il se retira alors à Stresa, surveillé par la police autrichienne.
L'œuvre de Rosmini est immense : quatre-vingts volumes édités chez Città Nuova (Rome), de 1975 à 2005. Elle est peu connue hors d'Italie (F. Evain, Introduction à l'ontologie personnaliste d'Antonio Rosmini, Paris, 1973).
En philosophie, Rosmini entend d'abord restaurer la connaissance, ruinée par l'empirisme du xviiie siècle et par Kant : Nouvel Essai sur l'origine des idées (1830, trad. part. 1844). Il se tourne ensuite vers la philosophie de l'action. L'idée d'être, règle de vérité, est aussi principe d'éthique : Principi della scienza morale (1831). Rosmini concentre dès lors ses recherches sur les rapports entre l'homme et l'être : Anthropologia morale (1838 ; Teosofia, posth. 1863 ; Psychologie, trad. 1888). Par réflexion sur les conditions de possibilité de ses opérations, l'homme prend conscience de l'être qu'il est et de l'être comme tel. L'acte de connaître est union du « sentiment fondamental de l'être réel » et de la « saisie de l'être idéel ». Cette synthèse se noue dans l'être moral, qui est libre reconnaissance de la circularité de ces trois formes de l'être. C'est donc à tort qu'on a confondu cette pensée avec l'ontologisme de Gioberti : d'une part, il n'est pas question ici d'intuition de l'être (dont l'idée innée donne son impulsion à la discursivité) ; d'autre part, il s'agit de l'idée d'être indéterminée, non de Dieu.
Cette anthropologie fonde une pédagogie (Sull'unità dell'educazione, 1826) et une philosophie politico-sociale. Ami de Manzoni et de Cavour, Rosmini a été l'un des penseurs du Risorgimento : Filosofia della politica, Filosofia del diritto, Progetti de costituzione, etc. (posth.). Les droits de l'homme (fondés sur la relation de la personne à l'être) sont antérieurs à ceux de l'État. La politique est ordonnée au bonheur des peuples, qui ont le droit de disposer d'eux-mêmes dans une indépendance qui se garde des égoïsmes nationaux.
Enfin, cette philosophie de l'homme est existentielle, c'est-à-dire, pour Rosmini, inscrite dans une histoire religieuse : Antropologia soprannaturale (1884). Dieu se communique à l'homme non seulement comme créateur par la participation à l'idée d'être, mais aussi comme sauveur par adoption réelle dans le Christ. La spiritualité rosminienne (inspirée de saint Ignace) s'harmonise avec son anthropologie : de même que la connaissance est illumination de l'esprit par l'idée et l'action reconnaissance de l'ordre de l'être, la foi est libre accueil de l'être réel, qui est charité. Il s'ensuit une doctrine des relations entre l'Église et l'État, opposée aussi bien au protectionnisme du joséphisme autrichien qu'au laïcisme des carbonari.
La pensée de Rosmini est une pensée organique dont l'actualité répond aux recherches sur les fondements philosophiques des sciences humaines, ainsi qu'au besoin d'avoir en vue, pour renouveler la société,[...]
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Écrit par
- François EVAIN : docteur en philosophie, membre du comité de direction du centre culturel Les Fontaines, Chantilly
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