SALANDRA ANTONIO (1853-1931)
Étudiant le droit et la littérature à l'université de Naples, Antonio Salandra subit l'influence des penseurs de la droite néo-hégélienne. Lié avec Sydney Sonnino, il enseigne dès 1879 à l'université de Rome la législature administrative et financière et publie de nombreux écrits juridiques. Élu, en 1886, député de Foggia, puis de Lucerna, il siège au centre droite et occupe divers postes gouvernementaux. Fidèle lieutenant de Sonnino, il reste à l'écart du pouvoir pendant « l'ère de Giolitti ». Après la guerre de Libye, il oriente ses préoccupations vers la politique extérieure et vers le renforcement militaire du pays.
Il apparaît comme l'antithèse de Giolitti. Doctrinaire érudit, orateur élégant, mais sans chaleur, dépourvu de ductilité et de sens du compromis, c'est un conservateur. Se référant au libéralisme de Cavour, il rêve d'un État « éthique », à la morale austère, exaltant les valeurs nationalistes. En 1913, devant la montée de l'agitation socialiste et syndicaliste révolutionnaire, il se rapproche de Giolitti. Celui-ci ayant démissionné, Sonnino, pressenti pour sa succession, met comme condition de nouvelles élections, que le roi refuse. Salandra, qui avait jusque-là joué les seconds rôles, forme un gouvernement dont on s'accorde à penser qu'il ne constituera qu'une transition avant le retour de Giolitti. La Première Guerre mondiale, qui éclate en août, va au contraire lui donner une importance historique.
Désireux de conserver le pouvoir, Salandra va mener une politique personnelle, dans la genèse de l'entrée en guerre de l'Italie. Il proclame la neutralité mais, après la mort du ministre des Affaires étrangères Di San Giuliano, il s'oriente vers l'intervention. Cette évolution s'accentue, après le remaniement ministériel qui élimine les éléments giolittiens, de tendance neutraliste. Il appelle Sonnino aux Affaires étrangères. En décembre, le gouvernement entame des négociations avec l'Autriche, que l'Allemagne presse d'accorder à Rome des compensations pour prix de sa neutralité ou de son ralliement à la Triplice. Mais à Vienne, le courant intransigeant triomphe avec l'avènement de Burian à la tête de la diplomatie. Salandra se tourne alors vers l'Entente et, avec Sonnino et le roi, prend la responsabilité, à l'insu du Parlement, de conclure avec les Alliés le pacte de Londres du 26 avril 1915. Moyennant la promesse de larges acquisitions territoriales lors de la paix, l'Italie s'engage à entrer en guerre. Les ultimes offres autrichiennes ont été écartées et, à la nouvelle de la dénonciation de la Triplice, le courant neutraliste, dirigé par Giolitti, se déchaîne. Menacé d'être désavoué par la Chambre, Salandra démissionne. Giolitti, pressenti, se dérobe. C'est alors qu'une vague de manifestations de rues, orchestrées par la minorité des nationalistes et des socialistes interventionnistes de Mussolini, déferle sur les grandes villes. La situation se retourne et le gouvernement Salandra est reconduit. La Chambre lui vote les pleins pouvoirs et la guerre est déclarée à l'Autriche, dans l'euphorie des « radieuses journées de mai ».
Le cabinet Salandra, peu représentatif de la physionomie politique du pays, s'usa au pouvoir, encourant le reproche de mener une « guerre limitée ». Un violent désaccord se manifesta entre lui et Cadorna à propos de l'Albanie, où Salandra avait, dès le 29 septembre 1914, pris un gage en faisant occuper Valona. Cadorna, au contraire, entendait réserver la priorité absolue au front italien de l'Isonzo et à la conquête de Trieste. Il obtint l'évacuation de l'Albanie et l'éviction du général Zupelli, ministre de la Guerre, mais la tension éclata, au lendemain de « l'expédition punitive » autrichienne (mai-juin 1916),[...]
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Écrit par
- Paul GUICHONNET : professeur honoraire à l'université de Genève
Classification
Autres références
-
ITALIE - Histoire
- Écrit par Michel BALARD , Paul GUICHONNET , Jean-Marie MARTIN , Jean-Louis MIÈGE et Paul PETIT
- 27 498 mots
- 40 médias
...socialiste assoiffé d'action, rompt avec son parti et se déclare partisan de la guerre. L'intervention est décidée par la politique personnelle du roi, d' Antonio Salandra, président du Conseil, et du baron Sonnino, ministre des Affaires étrangères. Éludant les offres de l'Autriche, Sonnino signe avec les...