Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

VIVALDI ANTONIO (1678-1741)

Le musicien lyrique

Dans une lettre datant de 1739, deux ans avant sa mort, Vivaldi déclare avoir composé quatre-vingt-quatorze opéras. Nous n'en connaissons de façon sûre qu'une cinquantaine, et nous ne possédons la musique que de vingt et un d'entre eux (ni tous complets ni entièrement de sa plume). Composés parfois à la hâte, de nombreux morceaux voyageant tels quels d'un opéra à l'autre, ils respectent globalement la séparation rigoureuse entre récitatifs et airs, la maîtrise de la technique du chant et le contrôle parfait des moyens expressifs permettant de « coller » efficacement au drame. Une étude chronologique du style révèle comment son esprit d'indépendance poussa Vivaldi, dès le début de sa carrière, à combiner les fonctions de compositeur et d'imprésario.

Dès ses premières commandes lyriques (1713-1718), Vivaldi apparaît comme le plus moderne des compositeurs vénitiens, alternative aux Pollarolo (Carlo Francesco et Antonio), Lotti, Gasparini ou Albinoni, tenants de la tradition. Il conserve néanmoins des attaches avec l'ancien théâtre, héritier du Seicento. Les airs se trouvent souvent au milieu d'une scène, et non pas obligatoirement à la fin ; là, en fait, où ils contribuent le mieux à la situation dramatique. Ils adoptent souvent la forme binaire, ou d'un seul tenant, et ne sont pas forcément avec da capo. Les rôles sont équitablement répartis, avec encore quelques éléments comiques. Le nombre de scènes est important, et l'instrumentation fait appel aux instruments rares.

La décennie suivante (1718-1726) conduit Vivaldi loin de sa ville natale, à Mantoue, Milan ou Rome. C'est le triomphe du « style moderne » vénitien, fustigé par Benedetto Marcello dans son Teatro alla moda de 1720. Vivaldi en est un des vibrants représentants. La voix est prééminente, souvent accompagnée colla parte pour un impact acoustique plus grand, la distinction est nette entre passages déclamatoires et coloratures, et dans l'orchestre la ligne des basses est souvent simplifiée. Vivaldi reste pleinement maître de ses propres ressources, enrichies par un acquis instrumental merveilleux. De plus, en bon imprésario attentif aux goûts de son public potentiel – les classes moyennes des petits théâtres vénitiens où il donnait ses œuvres –, il glisse savamment intrigues amoureuses et spectacles orientaux, préférés aux valeurs aristocratiques d'onore ou de fortezza, dont il pressent la précarité.

De 1727 à 1739, Vivaldi tente, tant bien que mal, de résister à l'invasion des talents venus du Sud, depuis son bastion du Sant'Angelo, purement vénitien, alors que le San Giovanni Grisostomo, la plus grande scène de Venise, s'ouvre aux Napolitains. Vivaldi regarde désormais vers Leonardo Vinci ou Nicola Antonio Porpora, dénichant et s'emparant d'idiomes stylistiques que le public aime à côté des siens propres, en particulier dans le cantabile et l'allegro chantant. Tout en se pliant à la mode, il sauve cependant les moments centraux et dramatiques du drame, réalisant l'union harmonieuse du pathétisme baroque avec une expression plus sensible, dans le cadre d'un style mélodique riche, lié toujours aux affetti de l'âme. Les airs sont superbes, les da capo merveilleusement épanouis, avec un accompagnement instrumental à quatre parties dépouillé, mais efficace, témoignage d'un fabuleux métier.

On perçoit mieux, maintenant, l'influence que Vivaldi a exercée en profondeur sur les destinées de la musique, la révélation que lui a due Bach des formes et de l'esprit de la musique italienne de son temps, l'impulsion donnée au concerto et à la sinfonia, une abondance de tournures mélodiques et rythmiques nouvelles, dans lesquelles ont puisé, pendant près d'un demi-siècle, des compositeurs de tous pays. On lui rendra grâce d'avoir été de la façon la[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Antonio Vivaldi - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Antonio Vivaldi

Autres références

  • L'ESTRO ARMONICO (A. Vivaldi)

    • Écrit par
    • 276 mots
    • 1 média

    À la fin du xviie siècle, Arcangelo Corelli fixe la forme du concerto grosso, dans lequel un petit ensemble de solistes, le concertino, s'oppose à la masse de l'orchestre. Le concerto de soliste va naître de ce concerto grosso par réduction de l'effectif du concertino. S'il n'en est...

  • BAROQUE

    • Écrit par , et
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...distinguant trois périodes : le premier baroque, le baroque médian, le dernier baroque. Une étude plus approfondie nécessiterait une analyse des spécificités nationales de ces traits communs. Monteverdi n'est pas Lully, Purcell se distingue de François Couperin, Delalande ne sonne pas commeVivaldi.
  • BASSON

    • Écrit par
    • 992 mots
    • 6 médias
    Antonio Vivaldi (1678-1741) est l'un des premiers compositeurs à l'utiliser comme instrument soliste. Depuis l'époque classique, on le retrouve dans toutes les formations orchestrales, qu'il soit mentionné ou pas.
  • CONCERTO

    • Écrit par
    • 1 179 mots
    Le concerto de soliste est né tout naturellement du concerto grosso en réduisant le concertino à un seul instrument. Antonio Vivaldi ne fut sans doute pas le premier à écrire des concertos de soliste, mais il n'en apparaît pas moins comme le véritable fondateur. C'est avec lui que le concerto prend...
  • CONCERTO POUR VIOLON ET ORCHESTRE (J. Brahms)

    • Écrit par
    • 308 mots
    • 1 média

    Le concerto de soliste naît en Italie à la toute fin du xviie siècle, lorsque Giuseppe Torelli publie les six Concerti a quattro de son opus 5 (Bologne, 1692) et, surtout, les douze Concerti musicali a quattro opus 6 (Augsbourg, 1698). Au début du xviiie siècle, dès L'estro armonico...

  • Afficher les 10 références