ANYA NYA
Terme signifiant dans les dialectes nilotiques du sud du Soudan « venin de serpent », l'Anya Nya est le nom que se sont donné les combattants du Front de libération de l'Azanie de Joseph Lagu et d'Oduho (l'Azanie était l'ancien nom de cette région d'Afrique).
Commencée en 1963 et close par les accords d'Addis-Abeba en 1972, la révolte Anya Nya est liée à la guerre entre le Sud, chrétien, animiste et noir, et le Nord, islamisé de longue date, arabophone et économiquement plus développé. Formé des provinces d'Equatoria, de Bahr el Ghazal et du Haut-Nil, le sud du Soudan représente le tiers du pays, soit 650 000 kilomètres carrés et 4 millions d'habitants ; maintenu, lors de la colonisation anglo-égyptienne, à l'écart du mouvement général de développement du Soudan, il s'est trouvé fermé à l'influence arabo-islamique du Nord et, jusqu'à 1947, a été parcouru par des missionnaires chrétiens et anglophones venus du Sud par l'Ouganda. Londres pensa un temps rattacher cette région à l'East-Africa, mais l'Égypte, soucieuse de conserver une voie d'accès vers les sources des deux Nils – Grands Lacs et Éthiopie – l'en dissuada. Région arriérée, séparée du reste du pays par d'immenses marais, le sudd, habitée par des populations de langues différentes, le sud du Soudan, déçu par l'électoralisme de Khartoum, connaît déjà une révolte limitée en Equatoria (1955) peu avant l'indépendance du pays (1956). Celle-ci une fois acquise, les pays de la Ligue arabe, dont le Soudan est membre, soutiennent la répression menée par Khartoum, ceci pour prévenir l'accession à l'indépendance d'une région méridionale qui leur serait peu favorable. En 1958, le maréchal Abboud déclare le Sud « zone interdite » ; la répression s'abat.
En 1963, alors que le terrorisme Anya Nya apparaît au Sud, Khartoum donne des apaisements. La « table ronde » organisée par Khartoum, et à laquelle participent les représentants du Sud – le Sudan African National Union (SANU) de William Deng –, échoue ; le SANU, après 1965, se rapprochera de l'Anya Nya. Dès lors, la population du Sud fuit vers les pays voisins pour éviter la répression. Ses efforts pour saisir l'OUA (Organisation de l'unité africaine) sont sans effet, car ils vont à l'encontre du principe adopté par les pays membres de ne pas remettre en cause les frontières déjà établies. En outre – équilibre délicat –, si Khartoum aide par intermittence la rébellion érythréenne, Addis-Abeba laisse passer sur son territoire à destination du Soudan du Sud les mercenaires et les armes en provenance des États-Unis et d'Israël. La venue au pouvoir en 1969 d'un gouvernement progressiste dirigé par le général Nimeyri apporte quelque apaisement : partisan d'une autonomie interne du Sud, celui-ci, en effet, nomme un ministre du Sud, Joseph Garang, proche des communistes et lui-même originaire du Sud. Bien que les combattants Anya Nya réclament une indépendance totale, l'opinion publique tant au Nord qu'au Sud est lasse de cette guerre meurtrière et ruineuse : après des tractations au cours desquelles Khartoum promet la nomination d'un vice-président de la République qui soit originaire du Sud, une amnistie générale est signée en 1972 à Addis-Abeba ; établi au cours d'une conférence à laquelle participe Joseph Lagu, chef des Anya Nya, l'accord met fin à une guerre de dix-huit ans ; les parties en présence conviennent du retour des réfugiés, de la mise en œuvre d'un plan de développement du Sud, de la reconnaissance de la personnalité culturelle et religieuse et enfin d'une autonomie interne des territoires concernés.
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Écrit par
- Yves THORAVAL : diplômé de l'Institut national des langues et civilisations orientales, docteur de troisième cycle
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