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APARTHEID

La classification des groupes raciaux

L'application de l'apartheid exige au départ un recensement de tous les habitants et leur rattachement définitif à leur groupe ethnique d'origine. L'extrême imbrication des races en Afrique du Sud et la fragilité des critères légaux rendent cette classification difficile, souvent arbitraire, et humainement toujours dramatique.

Le Population Registration Act de 1950 (aboli en juin 1991) répartissait la population en quatre groupes ethniques principaux : Bantous (Noirs africains), Européens (Blancs), Métis (Coloureds) et Asiatiques ( Indiens). En prenant les statistiques du recensement de 1980, c'est-à-dire au moment où les fissures apparaissent dans le système d'apartheid rigide, cela donnait : Bantous 17,258 millions (auxquels il faut ajouter les habitants des trois États noirs de l'époque, soit environ 2,2 millions) ; Blancs 4,6 millions ; Coloureds 2,7 millions ; Asiatiques 0,8 million. Soit 68 p. 100 de Bantous, 19 p. 100 de Blancs, 9,7 p. 100 de Métis et 3,1 p. 100 d'Asiatiques. De loin la plus nombreuse, la population africaine, estimée en 1904 à environ 4 millions d'individus, était de 12 millions en 1965 et approchait les 20 millions en 1983. Son taux annuel moyen d'accroissement (de 2 à 2,4 p. 100) est nettement plus élevé que celui des Blancs (1,5 p. 100) tout en restant très inférieur à celui des Métis (3,1 p. 100) et des Asiatiques (3,8 p. 100). En l'an 2000, la population totale de l'Afrique du Sud est de 43,2 millions d'habitants dont 32 millions de Bantous, soit un doublement dans le dernier quart du siècle, contre 5,6 millions de Blancs, lesquels pourraient être, en nombre, rejoints sinon dépassés par les populations métisse et asiatique.

L'accélération, surtout depuis 1950, de l'urbanisation et l'accroissement démographique de la communauté africaine renforcent inévitablement les contacts interraciaux et, par contrecoup, contraignent le législateur blanc à « perfectionner » sans cesse le système de l'apartheid pour réduire, sinon empêcher, les contacts. Les Métis sont pour la plupart concentrés dans la province du Cap, tandis que la communauté asiatique comprend essentiellement la forte minorité indienne du Natal et quelques milliers de Chinois. Quant à la communauté blanche, elle se subdivise en deux groupes distincts, sinon par l'origine ethnique, du moins par la langue, le sentiment et la position économique : le groupe afrikaner et le groupe anglophone, auquel se rattache la dynamique minorité juive sud-africaine.

La barrière de couleur

Mais ces chiffres bruts ne donnent qu'une faible idée de la mosaïque des races en Afrique du Sud et de la difficulté des classifications. La communauté africaine – où l'on compte dix tribus principales, Xhosa, Zoulou, Sotho, Tswana, Venda... – est elle-même très différenciée. Chez les Coloureds, il faut distinguer plusieurs sous-groupes (Métis du Cap, Malais islamisés, Griqua...). Les Japonais, quoique asiatiques, sont traités comme des Blancs. D'une province à l'autre, la répartition des ethnies est très inégale : le Transvaal recueille la moitié de la population bantoue urbanisée, la province du Cap la quasi-totalité des Métis, tandis que les Indiens sont « interdits » en Orange et l'étaient en Namibie pratiquement jusqu'en 1990, date de l'indépendance.

En définitive, deux éléments doivent être pris en considération pour juger du problème. D'abord la loi du nombre : le rapport entre Blancs et non-Blancs est de 1 contre 5, alors qu'aux États-Unis il est de 11 contre 1. Ensuite, les nuances de pigmentation : la gamme des couleurs en Afrique du Sud est très étendue. Or c'est la couleur qui, avant tout, sert de base à la classification légale destinée à ériger entre chaque groupe ethnique une barrière – le[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé à l'université d'Aix-Marseille-III, ancien doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar
  • : professeur agrégé, enseignant à Sciences Po Bordeaux, spécialiste de l'Afrique du sud, rattaché au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM)

Classification

Médias

1945 à 1962. La décolonisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

1945 à 1962. La décolonisation

Passeport obligatoire - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Passeport obligatoire

Steve Biko, 1977 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Steve Biko, 1977

Autres références

  • FIN DE L'APARTHEID EN AFRIQUE DU SUD

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    En février 1991, le président sud-africain Frederik De Klerk annonce son intention de mettre un terme au régime d'apartheid (le terme signifie « séparation » en afrikaans) qui, depuis 1948, fait de la ségrégation raciale la clé de voûte de la vie politique, sociale et économique de son pays....

  • ABRAHAMS PETER (1919-2017)

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    Romancier sud-africain de langue anglaise, Peter Henry Abrahams naît le 19 mars 1919 à Vrededorp, près de Johannesburg. Fils d’un Éthiopien et d’une métisse du Cap, il quitte l'Afrique du Sud à l'âge de vingt ans et s'installe d'abord en Grande-Bretagne puis à la Jamaïque. C'est néanmoins sa jeunesse...

  • AFRIQUE AUSTRALE

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    ...mécanisme d’exclusion socio-spatiale, n’est pas spécifique à l’Afrique australe, mais la mise en place d’une ségrégation à l’échelle régionale est propre à l’apartheid tel qu’il est conçu en en Afrique du Sud (1948-1994), en Namibie et au Zimbabwe. Ainsi, les populations non blanches sans contrat de travail...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

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    ...desquelles les droits des non-Blancs étaient restreints. C'est le National Party (NP), arrivé au pouvoir en 1948, qui systématisa cette ségrégation spatiale dans le cadre du système d'apartheid. La politique du petit apartheid imposait la ségrégation des lieux publics. Le grand apartheid définissait les zones...
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    Le peintre et sculpteur Willie Bester, aîné d'une famille de sept enfants, est né en 1956 à Montagu, province du Cap, Afrique du Sud. Il avait dix ans quand le Group Areas Act du gouvernement d'apartheid obligea les siens à quitter leur ferme pour intégrer un homeland où étaient regroupés...

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