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APARTHEID

Les années 1980 :vers la fin de l'apartheid »

C'est au tournant de la décennie 1980 et sous l'impulsion de P. W. Botha – qui fut successivement, entre 1978 et 1989, Premier ministre du président Vorster puis lui-même président de la République sud-africaine – que s'est amorcée très progressivement la période de l'après-apartheid. En août 1979, P. W. Botha avait alerté une première fois l'opinion en présentant sa stratégie axée autour de « douze principes » parmi lesquels figurait la reconnaissance du multiracialisme et de la nécessité d'une « redéfinition » des rapports interethniques.

Sept ans plus tard, devenu président de la R.S.A., P. W. Botha se permettra d'affirmer (discours du 31 janvier 1986) : « Nous avons extirpé le système colonial démodé du paternalisme ainsi que le concept démodé d'apartheid. »

À cette date, en effet, plusieurs grandes lois du système apartheid ont été abolies ou sont en voie de l'être : mariages mixtes et immoralité ; contacts sociaux et petty apartheid ; régime des laissez-passer ou pass-books remplacé par la classique carte d'identité ; suppression du Job Reservation dans le domaine de l'emploi et du travail à la suite des rapports des commissions Wiehahn et Riekert de 1979, et ouverture au syndicalisme multiracial.

Des amendements importants ont été apportés à des lois discriminatoires, toujours en vigueur à cette époque, qui en atténuent singulièrement la portée (ainsi, malgré le Group Areas Act, la possibilité donnée aux Bantous urbanisés d'obtenir des locations de longue durée en zone résidentielle blanche) et, en fait, annoncent à terme l'inévitable abolition de la ségrégation résidentielle.

En 1983-1984, une nouvelle Constitution est adoptée, qui réinsère dans le circuit politique national les communautés métisse et asiatique qui en avaient été définitivement exclues, dans les années 1959-1960, par le système d'apartheid rigide. Même si la majorité noire (bantoue) n'est pas concernée par ce changement constitutionnel, les réformes en cours suscitent des réactions qui sont la preuve la plus tangible de leur importance. Tandis que les adversaires de l'apartheid minimisent la portée de ces entorses à l'apartheid, les Afrikaners les plus endurcis accusent le gouvernement Botha « d'en faire trop pour les Noirs ». L'apparition de deux formations politiques (un Parti conservateur, C.P., et un Nouveau Parti national, H.N.S.) sur la droite du Parti national qui est au pouvoir confirme désormais la rupture du consensus au sein de la communauté européenne, et plus précisément au sein de la communauté afrikaner.

Cette communauté est de plus en plus tiraillée entre Afrikaners modérés « éclairés » (verligte) et Afrikaners ultra-« crispés » (verkrampte) dont rend compte tout un courant contemporain de la littérature de langue afrikaans. Et, lorsqu'en 1986 l'Église réformée hollandaise (N.G.K.) condamne à son tour l'apartheid – en reniant en quelque sorte son interprétation traditionnelle de la hiérarchisation des races d'après la Bible –, c'est tout un courant de pensée, un dogme sud-africain, qui s'écroule.

D'autres causes, évidemment, ont contribué à ce changement de « philosophie » politique. Il y a eu, certes, les quelque trente années de lutte armée conduite principalement par la branche militaire de l'African National Congress (le Umkhonto We Sizwe, la « Lance de la nation ») ainsi que par le P.A.C. (Pan African Congress) et l'A.Z.A.P.O. (Organisation du peuple d'Azanie). Même si la résistance armée bantoue à l'apartheid n'a pas été politiquement très homogène – elle a été parfois très divisée –, elle a pesé d'un poids certain dans l'évolution du problème sud-africain.[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé à l'université d'Aix-Marseille-III, ancien doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar
  • : professeur agrégé, enseignant à Sciences Po Bordeaux, spécialiste de l'Afrique du sud, rattaché au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM)

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Médias

1945 à 1962. La décolonisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

1945 à 1962. La décolonisation

Passeport obligatoire - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Passeport obligatoire

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Steve Biko, 1977

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