APARTHEID
Le démantèlement de l'apartheid
Dans les années 1980, la prise en compte des problèmes inhérents au système d'apartheid et des difficultés liées aux résistances intérieures et aux pressions extérieures amena le gouvernement de P. W. Botha à s'engager dans des réformes qui restèrent superficielles et n'aboutirent qu'à un blocage politique.
En 1989, poussé par les modérés du Parti national et par les milieux d'affaires, Frederik W. De Klerk succède à P. W. Botha à la présidence de la République. Dès l'année suivante, dans le discours du 2 février 1990, il « franchit le Rubicon » en annonçant des réformes fondamentales (libéralisation du régime, autorisation des partis interdits, libération des prisonniers politiques dont Nelson Mandela) devant inévitablement aboutir à l'abandon rapide de l'apartheid. Le pouvoir prend l'initiative de la transformation politique et convie l'A.N.C. à négocier avec lui les formes du nouveau régime.
La négociation qui s'engage à partir de 1990 autour du couple A.N.C.-Parti national donne, avec la Constitution provisoire de 1993, une alternative institutionnelle à l'apartheid. Les systèmes ségrégatifs individuel et urbain sont abolis dès 1991. Les homelands, symboles du « grand apartheid », ne se laissent pourtant pas dissoudre aussi facilement : en 1992, les dirigeants de l'Inkatha, au pouvoir au Kwazulu, ainsi que ceux du Bophuthatswana et du Ciskei, s'allient aux partis d'extrême droite blancs rassemblés sous l'étiquette du Volksfront pour s'opposer à la réunification du pays. Les bantoustans sont finalement réintégrés de force dans la nouvelle Afrique du Sud au début de 1994 tandis que les partis d'opposition, y compris l'Inkatha et une partie du Volksfront, participent aux premières élections libres de l'histoire du pays, en avril 1994.
La deuxième transition, de 1994 à 1999, consacre la réussite des négociations et des élections en débouchant sur la formation d'un gouvernement d'unité nationale dirigé par Nelson Mandela et la rédaction d'une Constitution définitive adoptée en 1996. Cette période est marquée par le démantèlement en profondeur de l'apartheid et la mise en place de mesures de rééquilibrage en faveur des populations désavantagées par l'ancien système. La discrimination positive en faveur des Noirs acquiert de solides bases légales notamment avec la loi sur « l'équité dans l'emploi » de 1998 et une politique active de renforcement du pouvoir des Noirs (black empowerment) notamment dans le secteur économique. Un vaste programme de logement pour les déshérités est lancé, de même qu'une politique de restitution de terres. La refondation des institutions, indispensable pour la délivrance partout et pour tous d'un service public de qualité, a réussi à intégrer dans une nouvelle culture démocratique des fonctionnaires et des administrations ou organisations provenant d'horizons différents.
En 1999, les cadres légaux et institutionnels du rééquilibrage mettant fin à l'apartheid, sont ainsi posés. Restait à tenter de démanteler l'apartheid dans les esprits des Sud-Africains. La Commission Vérité et Réconciliation, présidée par Mgr Desmond Tutu, fut chargée, de 1996 à 1998, d'exhumer les horreurs du passé pour canaliser les peurs, les frustrations et les émotions accumulées pendant des décennies. Mais cela ne suffit pas à effacer des réflexes de méfiance et une méconnaissance globale des communautés entre elles que la persistance d'habitats séparés et de niveaux de vie différents ne semble pas remettre en cause dans l'immédiat. Le pays est toujours composé de deux nations, l'une blanche et riche, l'autre noire et pauvre. L'apartheid légal est mort, mais il s'est en partie mué en une ségrégation économique à forte[...]
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Écrit par
- Charles CADOUX : professeur agrégé à l'université d'Aix-Marseille-III, ancien doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar
- Benoît DUPIN : professeur agrégé, enseignant à Sciences Po Bordeaux, spécialiste de l'Afrique du sud, rattaché au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM)
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